Les frères de Carneville (1)
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SEHRI : de 1789 à 1815 - association loi 1901 :: Histoire politique, sociale et économique de 1788 à 1816 :: la Contre-Révolution en France :: L'émigration en armes
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Les frères de Carneville (1)
A Manuc que je n’ai pas l’heur de connaître mais qui me fait l’honneur de partager un intérêt passionné pour l’émigration militaire, et un grand merci à Thumery pour sa magnifique contribution !
L’étude des frères de Carneville est intéressante à plus d’un titre car elle illustre parfaitement le cas de ces émigrés si entreprenants – la nécessité faisant loi – qu’ils en devinrent de véritables entrepreneurs de guerre, cherchant à la fois à concilier la poursuite de leur métier et de leur état d’officier, tout en servant fidèlement la cause royaliste et, dans la mesure du possible, leurs propres intérêts. L’histoire de l’émigration militaire est donc émaillée de quelques personnages particulièrement hauts en couleurs souvent à l’origine de certaines méprises des historiens, soit en raison de leur homonymie avec d’autres membres de leur famille, soit de la confusion née des différents corps qu’ils levèrent. Par ailleurs, elle témoigne aussi de l’organisation de nombre corps de l’émigration sur la base des relations personnelles – parfois vassaliques – nouées entre des gentilshommes et le chef qu’ils se donnaient ou auquel ils se ralliaient. Le cas du prince de Condé est le meilleur exemple (polymorphe) auquel j’aurai sans doute l’occasion de revenir dans un autre billet, mais soulignons que ces relations relevaient avant tout de l’appartenance à une même région, à un même régiment ou à une même arme, voire à une même famille : en 1792, les gentilshommes verriers constituaient une compagnie complète au sein du régiment de l’infanterie noble de l’armée de Condé, et 40 membres de la famille de Cacqueray étaient réunis autour des Princes Frères du Roi au sein de l’armée du Centre.
Le présent billet devrait permettre de corriger nombre de confusions que j’ai pu relever...
En premier lieu, de qui parlons-nous ? Le patronyme originel des deux frères n'est pas "Carneville" mais "SIMON, seigneurs de Carneville", famille noble normande, originaire de la région de Valognes dans la Manche, attestée depuis le XVIème siècle et portant : « d’azur à une croix d’argent chargée de cinq croissants de gueules, et accompagnée de quatre cygnes d’argent, becqués de sable " (blason représenté sur le cachet des hussards de Carneville, dans le Grouvel). Première constatation, "Simon" s'écrit avec un "i" et non un "y" comme on le trouve souvent, et il ne s'agit pas d'un troisième prénom mais bien du nom des deux frères.
Leur père aurait été "François Hervé Simon de Carneville", né en 1721 ; malheureusement, nous ignorons la date de sa mort, ce qui signifie que nous ignorons à quelle date le personnage qui nous intéresse ici, Georges François Hervé, succéda à son père et devint à son tour "comte de Carneville" et donc chef de sa famille, ce qui signifie qu'avant cette date lui-même n'était que vicomte et son frère cadet chevalier de Carneville.
Ceci pour vous recommander de toujours vérifier vos sources et de les recouper, comme nous allons essayer de le faire ici, pour éviter de nouvelles méprises...
Le comte Georges François Hervé SIMON de CARNEVILLE (né en 1750), et son frère cadet François Charles Adrien (né en 1754) étaient tous deux officiers de cavalerie de l’ancienne armée royale ; l’aîné entra comme simple cavalier en 1767 au régiment Commissaire-Général, fut nommé sous-lieutenant deux ans plus tard, lieutenant en 1773 mais dut attendre 1788 pour être promu capitaine commandant d’un escadron. Il était toujours capitaine de cavalerie en 1791 (23e de cavalerie, Artois, ex Royal-Guyenne) lorsqu’il fut promu chevalier de Saint-Louis.
J'ai interrogé les Etats militaires de 1780 et 1786 et ai vérifié tous les noms des cadres des régiments de cavalerie (y compris ceux des régiments de hussards, de dragons, et même de chevau-légers et de chasseurs à cheval) et n'ai trouvé que les éléments suivants :
1) l'Etat militaire de 1780 donne un Chevalier de Carneville, premier lieutenant au 1er régiment de chevau-légers (régiments éphémères constitués en 1779 à partir des escadrons "auxiliaires" dits de chevau-légers des régiments de cavalerie française et étrangère
2) l'Etat militaire de 1786 donne :
- Chevalier de Carneville, lieutenant en premier du Régiment d’Orléanois à Phalsbourg
- Vicomte de Carneville capitaine en second de Colonel-général des Dragons à Lille
On ne trouve donc aucune trace jusqu'en 1786
- d'un comte de Carneville
- d'un Carneville au sein du Régiment d'Artois (23e)
Pourtant, il n'y a aucun doute sur le fait que François-Charles-Adrien, vicomte de Carneville en 1792, leva à cette époque au sein de l'armée de Bourbon une légion de Normandie sur laquelle nous reviendrons (corps qu'il commandera, assisté par son frère, le comte de Carneville...). Je cite Grouvel : "Le maréchal de camp de Dampmartin... rencontre "le comte de Carneville que j'avais connu à Strasbourg, major du régiment d'Artois-cavalerie : officier actif, intelligent et instruit, il relevait ces qualités par les avantages de la figure et de la taille qui ne sont point à négliger chez les hommes destinés à exécuter des entreprises hardies".
Or, le vicomte de Carneville proposa aux Princes Frères du Roi de lever à sa solde et d'entretenir cette légion normande, en contrepartie de la reconnaissance par le duc de Bourbon puis les Princes Frères du Roi du titre de "colonel" de la légion de Normandie ; d'où le fait qu'il fut dès lors désigné comme "colonel de cavalerie"...
Pour conclure cette première partie, je rappellerai que le travail d'historien s'appuie sur un certain nombre de contraintes, à commencer par le fait de ne jamais prendre pour argent comptant des sources qui sont souvent recopiées à l'infini sans être contrôlées... Il faut ensuite posséder un minimum de connaissances sur un domaine d'expertise donné (les officiers nobles de cavalerie à la fin du règne de Louis XVI) pour comprendre certaines subtilités... Les sources que je recommande et que vous pouvez trouver aisément sur Google Books :
- l'armorial de France
- les états militaires (quelques-uns seulement...)
- les travaux (quand ils sont disponibles) des sociétés savantes régionales qui, au cours du XIXème s., firent un travail remarquable pour collecter et sauvegarder les archives, souvenirs, etc.
La famille de Carneville semble avoir été de petite noblesse et les deux frères n'eurent pas une carrière extraordinaire au sein des troupes royales (ni au sein de la maison du roi, ni au sein d'un même régiment (Royal Normandie, par exemple) ou dans un corps prestigieux, avancement assez lent, etc.)
Leur père décéda après 1786 car à cette époque l'aîné était toujours désigné comme vicomte de Carneville. Rentré à 17 ou 18 ans comme cavalier (sans doute cadet gentilhomme, une place par escadron), au sein de Commissaire-général (1767), il fut promu sous-lieutenant deux ans plus tard et lieutenant en 1773, capitaine-en second de Colonel-général des dragons en 1786, capitaine commandant d'escadron en 1788 (quel régiment ?) puis enfin major au régiment d'Artois cavalerie (23e), sans doute en 1790 ou 1791 ; reçoit cette année la croix de Saint-Louis.
Son jeune frère, François Charles Adrien, désigné jusqu'en 1786 (au moins) comme "Chevalier de Carneville" rentra aussi au service à 17 ou 18 ans en 1771 ; nous le retrouvons comme premier lieutenant au 1er Régiment de chevau-légers en 1780 et toujours lieutenant en 1er au Régiment d'Orléanois six ans plus tard. On peut donc estimer qu'il était très certainement capitaine au moment de son émigration en 1791, et donc qu'il réussit "un coup" l'année suivante. S'il engloutit en effet sa fortune personnelle (600.000 francs) dans la levée et l'entretien d'une légion pour la durée de la campagne de 1792, son titre de colonel propriétaire de celle-ci devait lui permettre de passer au service autrichien à la date du 1er janvier 1793.
Suite au prochain billet sur cette fameuse Légion de Normandie...
Ce mois-ci dans Figurines, la première partie de l'article que j'ai consacré au Régiment d'Orléans cavalerie, de 1635 à 1768 ; la seconde, dans deux mois, racontera l'histoire de mon ancêtre, engagé comme cadet gentilhomme en 1768. Il fit tout cette carrière dans le même corps et commandait un des escadrons en 1789. Il émigra avec plusieurs officiers du régiment en novembre 1791 et rejoignit l'armée des Princes. Il y fit la campagne de 1792 et était à Valmy... Mon ami André Jouineau le représentera sous les différents uniformes et les différents grades, jusqu'à la tenue portée à l'été 1792 en émigration...
Bonne semaine à tous !
L’étude des frères de Carneville est intéressante à plus d’un titre car elle illustre parfaitement le cas de ces émigrés si entreprenants – la nécessité faisant loi – qu’ils en devinrent de véritables entrepreneurs de guerre, cherchant à la fois à concilier la poursuite de leur métier et de leur état d’officier, tout en servant fidèlement la cause royaliste et, dans la mesure du possible, leurs propres intérêts. L’histoire de l’émigration militaire est donc émaillée de quelques personnages particulièrement hauts en couleurs souvent à l’origine de certaines méprises des historiens, soit en raison de leur homonymie avec d’autres membres de leur famille, soit de la confusion née des différents corps qu’ils levèrent. Par ailleurs, elle témoigne aussi de l’organisation de nombre corps de l’émigration sur la base des relations personnelles – parfois vassaliques – nouées entre des gentilshommes et le chef qu’ils se donnaient ou auquel ils se ralliaient. Le cas du prince de Condé est le meilleur exemple (polymorphe) auquel j’aurai sans doute l’occasion de revenir dans un autre billet, mais soulignons que ces relations relevaient avant tout de l’appartenance à une même région, à un même régiment ou à une même arme, voire à une même famille : en 1792, les gentilshommes verriers constituaient une compagnie complète au sein du régiment de l’infanterie noble de l’armée de Condé, et 40 membres de la famille de Cacqueray étaient réunis autour des Princes Frères du Roi au sein de l’armée du Centre.
Le présent billet devrait permettre de corriger nombre de confusions que j’ai pu relever...
En premier lieu, de qui parlons-nous ? Le patronyme originel des deux frères n'est pas "Carneville" mais "SIMON, seigneurs de Carneville", famille noble normande, originaire de la région de Valognes dans la Manche, attestée depuis le XVIème siècle et portant : « d’azur à une croix d’argent chargée de cinq croissants de gueules, et accompagnée de quatre cygnes d’argent, becqués de sable " (blason représenté sur le cachet des hussards de Carneville, dans le Grouvel). Première constatation, "Simon" s'écrit avec un "i" et non un "y" comme on le trouve souvent, et il ne s'agit pas d'un troisième prénom mais bien du nom des deux frères.
Leur père aurait été "François Hervé Simon de Carneville", né en 1721 ; malheureusement, nous ignorons la date de sa mort, ce qui signifie que nous ignorons à quelle date le personnage qui nous intéresse ici, Georges François Hervé, succéda à son père et devint à son tour "comte de Carneville" et donc chef de sa famille, ce qui signifie qu'avant cette date lui-même n'était que vicomte et son frère cadet chevalier de Carneville.
Ceci pour vous recommander de toujours vérifier vos sources et de les recouper, comme nous allons essayer de le faire ici, pour éviter de nouvelles méprises...
Le comte Georges François Hervé SIMON de CARNEVILLE (né en 1750), et son frère cadet François Charles Adrien (né en 1754) étaient tous deux officiers de cavalerie de l’ancienne armée royale ; l’aîné entra comme simple cavalier en 1767 au régiment Commissaire-Général, fut nommé sous-lieutenant deux ans plus tard, lieutenant en 1773 mais dut attendre 1788 pour être promu capitaine commandant d’un escadron. Il était toujours capitaine de cavalerie en 1791 (23e de cavalerie, Artois, ex Royal-Guyenne) lorsqu’il fut promu chevalier de Saint-Louis.
J'ai interrogé les Etats militaires de 1780 et 1786 et ai vérifié tous les noms des cadres des régiments de cavalerie (y compris ceux des régiments de hussards, de dragons, et même de chevau-légers et de chasseurs à cheval) et n'ai trouvé que les éléments suivants :
1) l'Etat militaire de 1780 donne un Chevalier de Carneville, premier lieutenant au 1er régiment de chevau-légers (régiments éphémères constitués en 1779 à partir des escadrons "auxiliaires" dits de chevau-légers des régiments de cavalerie française et étrangère
2) l'Etat militaire de 1786 donne :
- Chevalier de Carneville, lieutenant en premier du Régiment d’Orléanois à Phalsbourg
- Vicomte de Carneville capitaine en second de Colonel-général des Dragons à Lille
On ne trouve donc aucune trace jusqu'en 1786
- d'un comte de Carneville
- d'un Carneville au sein du Régiment d'Artois (23e)
Pourtant, il n'y a aucun doute sur le fait que François-Charles-Adrien, vicomte de Carneville en 1792, leva à cette époque au sein de l'armée de Bourbon une légion de Normandie sur laquelle nous reviendrons (corps qu'il commandera, assisté par son frère, le comte de Carneville...). Je cite Grouvel : "Le maréchal de camp de Dampmartin... rencontre "le comte de Carneville que j'avais connu à Strasbourg, major du régiment d'Artois-cavalerie : officier actif, intelligent et instruit, il relevait ces qualités par les avantages de la figure et de la taille qui ne sont point à négliger chez les hommes destinés à exécuter des entreprises hardies".
Or, le vicomte de Carneville proposa aux Princes Frères du Roi de lever à sa solde et d'entretenir cette légion normande, en contrepartie de la reconnaissance par le duc de Bourbon puis les Princes Frères du Roi du titre de "colonel" de la légion de Normandie ; d'où le fait qu'il fut dès lors désigné comme "colonel de cavalerie"...
Pour conclure cette première partie, je rappellerai que le travail d'historien s'appuie sur un certain nombre de contraintes, à commencer par le fait de ne jamais prendre pour argent comptant des sources qui sont souvent recopiées à l'infini sans être contrôlées... Il faut ensuite posséder un minimum de connaissances sur un domaine d'expertise donné (les officiers nobles de cavalerie à la fin du règne de Louis XVI) pour comprendre certaines subtilités... Les sources que je recommande et que vous pouvez trouver aisément sur Google Books :
- l'armorial de France
- les états militaires (quelques-uns seulement...)
- les travaux (quand ils sont disponibles) des sociétés savantes régionales qui, au cours du XIXème s., firent un travail remarquable pour collecter et sauvegarder les archives, souvenirs, etc.
La famille de Carneville semble avoir été de petite noblesse et les deux frères n'eurent pas une carrière extraordinaire au sein des troupes royales (ni au sein de la maison du roi, ni au sein d'un même régiment (Royal Normandie, par exemple) ou dans un corps prestigieux, avancement assez lent, etc.)
Leur père décéda après 1786 car à cette époque l'aîné était toujours désigné comme vicomte de Carneville. Rentré à 17 ou 18 ans comme cavalier (sans doute cadet gentilhomme, une place par escadron), au sein de Commissaire-général (1767), il fut promu sous-lieutenant deux ans plus tard et lieutenant en 1773, capitaine-en second de Colonel-général des dragons en 1786, capitaine commandant d'escadron en 1788 (quel régiment ?) puis enfin major au régiment d'Artois cavalerie (23e), sans doute en 1790 ou 1791 ; reçoit cette année la croix de Saint-Louis.
Son jeune frère, François Charles Adrien, désigné jusqu'en 1786 (au moins) comme "Chevalier de Carneville" rentra aussi au service à 17 ou 18 ans en 1771 ; nous le retrouvons comme premier lieutenant au 1er Régiment de chevau-légers en 1780 et toujours lieutenant en 1er au Régiment d'Orléanois six ans plus tard. On peut donc estimer qu'il était très certainement capitaine au moment de son émigration en 1791, et donc qu'il réussit "un coup" l'année suivante. S'il engloutit en effet sa fortune personnelle (600.000 francs) dans la levée et l'entretien d'une légion pour la durée de la campagne de 1792, son titre de colonel propriétaire de celle-ci devait lui permettre de passer au service autrichien à la date du 1er janvier 1793.
Suite au prochain billet sur cette fameuse Légion de Normandie...
Ce mois-ci dans Figurines, la première partie de l'article que j'ai consacré au Régiment d'Orléans cavalerie, de 1635 à 1768 ; la seconde, dans deux mois, racontera l'histoire de mon ancêtre, engagé comme cadet gentilhomme en 1768. Il fit tout cette carrière dans le même corps et commandait un des escadrons en 1789. Il émigra avec plusieurs officiers du régiment en novembre 1791 et rejoignit l'armée des Princes. Il y fit la campagne de 1792 et était à Valmy... Mon ami André Jouineau le représentera sous les différents uniformes et les différents grades, jusqu'à la tenue portée à l'été 1792 en émigration...
Bonne semaine à tous !
Hughes de Bazouges- determinatio
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Date d'inscription : 17/01/2013
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Re: Les frères de Carneville (1)
merci pour ce post et ce billet passionnant

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Par définition un historien se doit d'éclairer certaines zones d'ombres du passé. Ayant de droit accès à toutes les archives ouvertes, il s'appuie sur ses recherches pour délivrer ses résultats, quitte à briser quelques clichés.
Président de la S.E.H.R.I.
Les frères de Carneville 2 - La Légion de Normandie.
Le chercheur passionné voyant souvent ses efforts récompensés par le hasard au moment même où il pense avoir épuisé un sujet, j’ai découvert, dans le fonds d’une petite librairie du sud-ouest de la France, le n°2 de Vivat Hussar (1967) contenant un remarquable article de M. Gérard Wenck sur les hussards de Carneville. L’auteur était alors propriétaire de la miniature sur ivoire (voir article sur le site « Les hussards de Carneville ») représentant le vicomte de Carneville en colonel, habillé à la hussarde, à une époque qu’il nous restera à tenter de déterminer précisément, si tant est que cela soit possible.
Grâce aux recherches effectuées par M. Wenck au sein des archives de la Guerre, nous pouvons compléter (voire corriger) ce que nous avons écrit précédemment (voir « Les Frères de Carneville 1 ») sur la carrière de notre personnage. En premier lieu, l’époque de sa naissance relève presque de l’énigme, étant porté sur un document d’époque à la date du 19 octobre 1756 et sur un autre au 3 août 1750, ce qui serait une erreur de copie, les généalogistes ayant établi depuis qu’il était né le 3 août 1754, soit trois ans après son frère aîné, le comte Georges de Carneville (16 juin 1751).
Entré comme sous-lieutenant, le 4 mai 1771, au régiment de Colonel Général des dragons, il était promu lieutenant deux ans plus tard (1773), capitaine en 1777, chef d’escadron en 1784, major des Mestre de Camp Général des dragons en 1787, major du Régiment d’Artois Cavalerie l’année suivante, fait chevalier de Saint-Louis la même année 1788, et occupait la même fonction au moment de la Révolution (Etat militaire de 1789 confirmant qu’il est bien chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis à cette date). Il s’absenta quelque temps de son corps dès 1790, alors qu’il venait d’être promu lieutenant-colonel, et le quitta définitivement le 22 juin 1791, c’est-à-dire au lendemain de l’arrestation du roi à Varennes. Si le passage de ses grades successifs répondait à un rythme normal pour l’époque, sa distinction de l’ordre de Saint-Louis, en 1788, après seulement 17 ans de services comme officier, était assez exceptionnelle et récompensait certainement des dispositions particulières qui en faisaient un modèle d’officier de cavalerie.
François de Carneville rejoignit alors les émigrés qui s’étaient réunis en Allemagne, dans la région de Coblentz, autour des Princes Frères du Roi. Le vicomte Grouvel nous apprend (« Corps de Carneville », in Les Corps de troupe de l’émigration, Tome II, pp 225-235) qu’il organisa dès la fin de l’année 1791 à proximité de Baden-Baden un rassemblement de gentilshommes, essentiellement normands, qu’il transforma en corps soldé ou « Légion de Normandie » par la capitulation qu’il signa le 19 avril 1792 avec les Princes. Cette dernière formation – d’un type très prisé des émigrés en raison du succès de ce genre de troupes légères (pour leur autonomie et les missions particulièrement exposées qui leur étaient confiées, et donc pour offrir de multiples occasions de se distinguer) depuis le milieu du XVIIIème s. – devait être composée de 2 bataillons (1 compagnie de grenadiers et 4 de fusiliers par bataillon) et de 4 compagnies montées de chasseurs, et compter plus de 1350 hommes (1 100 pour l’infanterie et 268 cavaliers). Les brevets des officiers étaient datés du 25 avril et le nouveau propriétaire et son frère, désormais établis en véritables entrepreneurs de guerre, se virent bientôt reconnaître le grade de colonel. Malgré leurs efforts pour « recruter large » (émigrés du tiers, étrangers, déserteurs, anciens soldats et volontaires gentilshommes normands), les deux frères de Carneville ne parvinrent jamais à aligner plus de 200 à 400 hommes (un bataillon et un escadron) en fonction des circonstances et des désertions ! Il est surtout intéressant de noter que la composition de ce corps, commandé par le vicomte de Carneville assisté de son frère (qui prit le titre de colonel en second), fut rapidement abandonnée pour s’adapter à la fois à la réalité et aux modèles dont il pouvait s’inspirer. En conséquence, la Légion de Normandie, qui avait été affectée dès juin 1792 à l’avant-garde du corps de Bourbon, sous les ordres du comte de La Châtre, comptait en août, au moment d’entrer en campagne, un état-major, une compagnie franche, une compagnie de grenadiers, deux compagnies de fusiliers, une compagnie de chasseurs à carabine et une compagnie de chasseurs à cheval (la compagnie des chasseurs nobles était entièrement formée de gentilshommes normands).
François de Carneville rejoignit alors les émigrés qui s’étaient réunis en Allemagne, dans la région de Coblentz, autour des Princes Frères du Roi. Le vicomte Grouvel nous apprend (« Corps de Carneville », in Les Corps de troupe de l’émigration, Tome II, pp 225-235) qu’il organisa dès la fin de l’année 1791 à proximité de Baden-Baden un rassemblement de gentilshommes, essentiellement normands, qu’il transforma en corps soldé ou « Légion de Normandie » par la capitulation qu’il signa le 19 avril 1792 avec les Princes. Cette dernière formation – d’un type très prisé des émigrés en raison du succès de ce genre de troupes légères (pour leur autonomie et les missions particulièrement exposées qui leur étaient confiées, et donc pour offrir de multiples occasions de se distinguer) depuis le milieu du XVIIIème s. – devait être composée de 2 bataillons (1 compagnie de grenadiers et 4 de fusiliers par bataillon) et de 4 compagnies montées de chasseurs, et compter plus de 1350 hommes (1 100 pour l’infanterie et 268 cavaliers). Les brevets des officiers étaient datés du 25 avril et le nouveau propriétaire et son frère, désormais établis en véritables entrepreneurs de guerre, se virent bientôt reconnaître le grade de colonel. Malgré leurs efforts pour « recruter large » (émigrés du tiers, étrangers, déserteurs, anciens soldats et volontaires gentilshommes normands), les deux frères de Carneville ne parvinrent jamais à aligner plus de 200 à 400 hommes (un bataillon et un escadron) en fonction des circonstances et des désertions ! Il est surtout intéressant de noter que la composition de ce corps, commandé par le vicomte de Carneville assisté de son frère (qui prit le titre de colonel en second), fut rapidement abandonnée pour s’adapter à la fois à la réalité et aux modèles dont il pouvait s’inspirer. En conséquence, la Légion de Normandie, qui avait été affectée dès juin 1792 à l’avant-garde du corps de Bourbon, sous les ordres du comte de La Châtre, comptait en août, au moment d’entrer en campagne, un état-major, une compagnie franche, une compagnie de grenadiers, deux compagnies de fusiliers, une compagnie de chasseurs à carabine et une compagnie de chasseurs à cheval (la compagnie des chasseurs nobles était entièrement formée de gentilshommes normands).
Le vicomte de Carneville commandait donc l’ensemble de la légion, et le lieutenant-colonel marquis de Bouville l’infanterie, tandis que la cavalerie était placée sous les ordres de Jacques du Mesnildot, seigneur de la Porte, à Carquebut, et de Montfarville, autrement dit un proche voisin de Valognes, dans la Manche, et ancien compagnon d’armes, étant lui-même officier de cavalerie (capitaine au régiment de Mestre de Camp Général dragons, en 1784, puis passé à celui de Colonel Général dragons). Deux autres corps servant à ses côtés à l’avant-garde eurent peut-être alors une influence sur Carneville, en particulier pour l’uniformisation des tenues et des unités : les chasseurs de Calonne et le corps de Breuilpont composé de compagnies de chasseurs carabiniers (1/2 bataillon) et d’un escadron de uhlans. En effet, l’uniforme peut être reconstitué à partir de l’article 17 de la capitulation mais aussi des états des fournitures commandées alors. Le premier porte ainsi que « l’infanterie sera habillée d’un habit court et léger, couleur verte, et armée d’un fusil et d’une baïonnette ; les sergents, caporaux, appointés, grenadiers, musiciens et tambours auront un sabre et tous, excepté les musiciens et tambours, une giberne. L’équipement particulier de l’homme sera le même que celui réglé pour l’infanterie ; les chasseurs seront armés d’une carabine et d’un sabre et habillés d’un habit court de couleur verte ». Nous savons que 30 paires de pistolet de poche furent commandées à cette époque à Liège, pour les officiers (leur nombre était confirmé par le nombre de chapeaux commandés le 27 juillet) ; ils étaient alors portés à la ceinture dans des étuis de cuir. Quant aux commandes, elles portèrent en juillet 1792, outre les chemises, sacs de toile ou havresacs, etc. sur « 420 aunes de drap vert, 230 aunes de drap gris, 100 aunes de drap noir, 60 aunes de drap rouge, 100 aunes de drap bleu […] 300 chapeaux, le tout venant de Manheim ; 800 paires de souliers, 60 paires de bottes, venant de Liège ». Il était donc question d’équiper à l’été 1792 une légion de 60 chasseurs à cheval et de 400 fantassins, encadrés par 30 officiers.
Quel était leur uniforme ? Présentant en février 1795 un autre projet pour lever un nouveau corps à l’armée de Condé, le même vicomte de Carneville précisait dans l’article 14 : « L’habillement sera vert avec des revers noirs et des boutonnières jaunes, tel qu’il était à l’armée de Mgr le duc de Bourbon ». On peut en déduire qu’il fallait pour confectionner un uniforme de fantassin 2 aunes de drap vert pour un habit court, 1 aune de drap gris pour la culotte, 1 aune pour les revers noirs, et que chaque soldat était doté de deux paires de souliers. Quant aux chapeaux, tant pour les soldats que pour les officiers (mais ils étaient de qualité, voire de forme distinctes), il ne pouvait s’agir de tricorne mais de « chapeaux avec plaque, glands et plumets ». Connaissant les différents types de chapeau portés alors par les troupes légères émigrées, autrichiennes ou allemandes, il ne pouvait s’agir ni d’un couvre-chef de type cocher de diligence (cf les Chasseurs royaux de Goerduck) ni d’un chapeau de « chasseur corse » (devenu ensuite « chasseur tyrolien »), comme en portaient les chasseurs de Calonne.
Sachant que la commande du 27 juillet ne portait que sur 300 plumets mais 400 plaques de chapeaux, 400 glands et 400 paires d’épaulettes, on peut en déduire que la coiffure était la même pour 3 des 4 compagnies (on peut supposer que la compagnie de grenadiers avait disparu) mais que la dernière devait s’en distinguer par un autre élément que le plumet (une cocarde blanche pour la compagnie noble, c’est-à-dire la compagnie des chasseurs armés d’une carabine ?). Si le personnage représenté au centre par le baron de Beaufort est très certainement très proche de la réalité, le plumet devait être vert (comme les épaulettes ?) ou blanc – et non noir et jaune couleurs distinctives de l’armée autrichienne - et l’ensemble de l’uniforme très inspiré du modèle autrichien. Quant au tissu de drap bleu et rouge, sans doute était-il utilisé pour les cols et liserés, à moins qu’il n’ait été destiné aux musiciens, voire aux chasseurs à cheval.
Sachant que la commande du 27 juillet ne portait que sur 300 plumets mais 400 plaques de chapeaux, 400 glands et 400 paires d’épaulettes, on peut en déduire que la coiffure était la même pour 3 des 4 compagnies (on peut supposer que la compagnie de grenadiers avait disparu) mais que la dernière devait s’en distinguer par un autre élément que le plumet (une cocarde blanche pour la compagnie noble, c’est-à-dire la compagnie des chasseurs armés d’une carabine ?). Si le personnage représenté au centre par le baron de Beaufort est très certainement très proche de la réalité, le plumet devait être vert (comme les épaulettes ?) ou blanc – et non noir et jaune couleurs distinctives de l’armée autrichienne - et l’ensemble de l’uniforme très inspiré du modèle autrichien. Quant au tissu de drap bleu et rouge, sans doute était-il utilisé pour les cols et liserés, à moins qu’il n’ait été destiné aux musiciens, voire aux chasseurs à cheval.
Ainsi, le premiers corps de Carneville, plus connu sous le nom de « Légion de Normandie », eut une existence éphémère (de juillet à novembre 1792, l’armée des Princes étant licenciée le 23 de ce mois) mais son propriétaire resta attaché à son caractère d’unité légère mixte (infanterie et cavalerie, cette dernière composée de chasseurs et pas encore de hussards) et à ses couleurs distinctives qui devaient lui permettre de lever aisément un nouveau corps franc (Freikorps) au service de l’Autriche à partir d’avril 1793, au lendemain du siège de Maëstricht (23 février-3 mars) auquel le vicomte de Carneville participa au sein du Régiment de Maëstricht levé parmi les émigrés (1ère division, 5ème compagnie).
Dans un prochain article, nous traiterons de ce corps franc et plus particulièrement de ses hussards qu’il convient de distinguer de ceux levés en 1795 au sein de l’armée de Condé.
Hughes de Bazouges- determinatio
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Re: Les frères de Carneville (1)
Merci Hughes tout cela sera bientôt en ligne ! magnifique article !

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Laurent- inceptio
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Re: Les frères de Carneville (1)
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Laurent- inceptio
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Les Frères de Carneville (à suivre)
Merci Laurent !
Je pars ce soir en bateau en Angleterre rendre visite à ma fille aînée et ne serai de retour que vendredi. Je dois travailler en priorité sur la seconde partie de mon article sur Orléans Cavalerie (1768-1792), pour Figurines, mais pense poursuivre après le 15 mars l'histoire des Frères de Carneville et sans doute un article de synthèse, une fois tout fini, sur ce sujet comme modèle d'expertise dont je parlais. Il nous restera en effet à faire l'analyse de la petite miniature en ivoire représentant le vicomte de Carneville en colonel...
Bien à vos
Hughes
Je pars ce soir en bateau en Angleterre rendre visite à ma fille aînée et ne serai de retour que vendredi. Je dois travailler en priorité sur la seconde partie de mon article sur Orléans Cavalerie (1768-1792), pour Figurines, mais pense poursuivre après le 15 mars l'histoire des Frères de Carneville et sans doute un article de synthèse, une fois tout fini, sur ce sujet comme modèle d'expertise dont je parlais. Il nous restera en effet à faire l'analyse de la petite miniature en ivoire représentant le vicomte de Carneville en colonel...
Bien à vos
Hughes
Hughes de Bazouges- determinatio
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LA COALITION DE NORMANDIE (1791-1792)

Quoique la Légion de Normandie des frères de Carneville et la Coalition de Normandie aient appartenu toutes deux à l’armée de Bourbon, elles étaient bien distinctes. Une coalition désignait alors un regroupement de gentilshommes, voire de bourgeois suffisamment fortunés pour mettre en commun leurs moyens afin de servir le temps d’une campagne comme volontaires. Dans ce dernier cas, les volontaires, qui n’étaient donc pas soldés, pourvoyaient le plus souvent à leur propre équipement et étaient armés, voire montés, par leurs commanditaires. Mais les gentilshommes normands ayant éprouvé quelque difficulté pour être habillés selon l’ordonnance édictée par les frères du Roi, ceux-ci finirent par leur donner un traitement comme à l’ensemble des troupes.
La Normandie étant déjà l’une des plus importantes provinces du royaume (je rappelle que les deux régions de Normandie comptent aujourd’hui 5 départements), les gentilshommes normands se réunirent dès l’automne 1791 en Belgique, dans le Brabant, pour y être bientôt organisés par le comte de La Châtre en compagnies d’infanterie et de cavalerie (54 hommes dont 1 capitaine, 1 lieutenant en premier et un sous-lieutenant, 1 tambour par compagnie d’infanterie et 1 trompette par compagnie de cavalerie ; un maréchal-ferrant pour deux compagnies de cavalerie).
En juin 1792, la Coalition de Normandie était forte de 6 compagnies d’infanterie (environ 320 volontaires) et d’environ 60 maîtres, mais en août, lorsque le corps fut désigné pour rejoindre l’armée de Bourbon, près de Liège, la cavalerie fut dédoublée en 2 compagnies. Au moment du licenciement de l’armée des Princes, le 26 novembre 1792, la Coalition de Normandie comptait encore 328 volontaires dans l’infanterie et 109 maîtres.

" />A la différence des compagnies d’officiers de cavalerie ou d’infanterie encore revêtus de leur ancien uniforme (au règlement de 1786), les volontaires des différentes coalitions avaient pris l’uniforme dit d’émigrant : « habit bleu, veste rouge, culottes jaunes, boutons de cuivre doré, avec une fleur de lys au milieu, plume blanche au chapeau, cocarde blanche et col noir ». Mais les gentilshommes normands avaient demandé dès le 20 octobre 1791 une marque distinctive rappelant les armoiries de leur province. Outre des épaulettes en écailles de métal, les volontaires de la Coalition de Normandie arboraient donc un léopard d’or sur deux des quatre basques de leur habit dont le collet comme les parements étaient « tigrés ». Au moment de la campagne de 1792, les cavaliers ajoutèrent une feuille de chêne à la base de leur plumet (détail qui n'a pas échappé à mon ami André Jouineau !), comme les troupes autrichiennes, et les officiers arboraient l'ancienne écharpe blanche de commandement.
La Normandie étant déjà l’une des plus importantes provinces du royaume (je rappelle que les deux régions de Normandie comptent aujourd’hui 5 départements), les gentilshommes normands se réunirent dès l’automne 1791 en Belgique, dans le Brabant, pour y être bientôt organisés par le comte de La Châtre en compagnies d’infanterie et de cavalerie (54 hommes dont 1 capitaine, 1 lieutenant en premier et un sous-lieutenant, 1 tambour par compagnie d’infanterie et 1 trompette par compagnie de cavalerie ; un maréchal-ferrant pour deux compagnies de cavalerie).
En juin 1792, la Coalition de Normandie était forte de 6 compagnies d’infanterie (environ 320 volontaires) et d’environ 60 maîtres, mais en août, lorsque le corps fut désigné pour rejoindre l’armée de Bourbon, près de Liège, la cavalerie fut dédoublée en 2 compagnies. Au moment du licenciement de l’armée des Princes, le 26 novembre 1792, la Coalition de Normandie comptait encore 328 volontaires dans l’infanterie et 109 maîtres.

Hughes de Bazouges- determinatio
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de thury- lectio
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Jean-Baptiste Xavier carpentier de Colbaut, chasseur de Carneville en 1793
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J'ai conservé dans la première citation l'écriture originelle de l'auteur et l'ai adaptée dans les suivantes pour la rendre plus intelligible.

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J'ai conservé dans la première citation l'écriture originelle de l'auteur et l'ai adaptée dans les suivantes pour la rendre plus intelligible.
Jean-Baptiste Xavier Carpentier de Colbaut (1770- ?>1798), originaire de la Flandre française, fut reçu aux Gardes du corps en 1787, et émigra dès mai 1790 au Brabant ou il demeura jusqu’en mai 1792, lorsqu’une missive circulaire du comte d’Artois l’appela à rejoindre les Gardes du corps réunis à Coblence. A l’issue de la désastreuse campagne de 1792 et du licenciement de l’armée des Princes prononcé le 23 novembre, il se réfugia à Maëstricht où il participa à la défense de la ville au sein du corps des émigrés levé par le marquis d’Autichamp.
« Aussitôt le siège de Maestrikt fini, je suis entré au service autrichien dans le corps franc de Carneville qui fut composé d’une compagnie de tous chasseurs nobles émigrés, et de déserteur ou prisonnier qu’on faisait sur les français carmagnoles, les émigrés étaient volontaires mais les autres étaient engagés.
Après la bataille de Tirlemont, de Narvingue et de Louvain, je fus fais caporal des chasseurs nobles à Mons lors de l’émigration de Dumouriez ; je fus blessé dans le courant d’avril au bois de Vicoigne d’une balle morte, qui néanmoins me cassa l’os de la jambe ».
Après avoir été évacué sur le pays de Liège où il fut à deux doigts de mourir d’une « fièvre putride et maligne » qui l’alita près de 3 mois dont 22 jours d’agonie, Carpentier revint convalescent à Mons. Le 22 juillet, alors qu’il séjournait chez un de ses cousins à Comines, soit à 3 lieues de Lille, il faillit être pris par les républicains alors qu’il était en train d’écrire tranquillement. Il n’eut que le temps de fuir en compagnie d’une douzaine de chasseurs tyroliens qui se trouvaient derrière la maison, mais perdit tous ses papiers dans cette affaire.
Ayant rejoint le dépôt du corps franc à Mons, il fut dirigé sur Chatelet pour y retrouver la compagnie des chasseurs nobles. Le 24 septembre, alors qu’il était aux avant-postes au bois de Strei, près de Beaumont, avec 7 autres chasseurs nobles, il vit déserter 5 soldats qui avaient été faits prisonniers au Quesnoy et qui s’étaient déclarés déserteurs aux Autrichiens. A 04h00 du matin, 20 ou 30 républicains, guidés par les précédents, attaquèrent le poste de Carneville qui se défendit jusqu’à l’arrivée de 50 hommes du corps franc, envoyés en renfort par le lieutenant d’Aboville. Deux des déserteurs furent tués en cette occasion et un troisième, fait prisonnier, fut condamné et exécuté le même jour.
« Le dimanche 29 septembre jour de la Saint-Michel, on nous fit partir à minuit de Beaumont et on fut bloquer Maubeuge. Les chasseurs de Carneville y firent des prodiges de valeur. Un chasseur nommé Limail s’étant trop aventuré dans le bois de Coursolt ( ?), un escadron des dragons du 14e Régiment ci-devant Monsieur alors au service des Carmagnoles, allait charger les cuirassiers autrichiens qui avançaient sur la grande route de Beaumont à Maubeuge. Limail ajusta le chef d’escadrons des Carmagnoles, le tua ; ceux qui le suivaient firent aussitôt demi-tour à droite, et crurent être coupés par rapport à ce seul coup de carabine, et s’en retournèrent au camp de Maubeuge en désordre » […] « Le lundi 30 septembre, les Carmagnoles au nombre de 600 firent une sortie, s’emparèrent de Férières-les-Grandes à la faveur des bois, et leur but fut de forcer le poste que le Corps de Carneville occupait à la fabrique aux armes qu’il y avait. Nos chasseurs les firent sortir du village après un peu d’opiniâtreté. Goui (ou Gouis ?) de Cardenac, caporal de notre compagnie, s’en fut avec 4 chasseurs pour mettre le feu au village, parce que les habitants soutenaient les Carmagnoles et se battaient avec eux. Le brave Limail était du nombre des 4 qui furent mettre le feu à ce village et fut tué. Ces Carmagnoles indignés de ne pas avoir réussi dans leurs projets lancèrent des boulets rouges sur cette fabrique aux armes, qu’ils réduisirent en moins de deux heures » […]« Je ne passerai pas sous silence la misère que nous avons eue pendant le siège ; tous les jours nous étions aux prises avec l’ennemi qui avait détruit tous les puits et pompes, de sorte que nous n’avions pas d’eau. Par un effet du hasard, il pleuvait tous les jours aussi ramassait-on l’eau par où les chevaux creusaient avec les pieds. Elle était conservée précieusement pour boire… Les Carmagnoles firent plusieurs tentatives pendant les dix jours qui furent bombardés. Mais tout fut infructueux »
Au mois d’octobre, l’armée autrichienne établit à Beaumont un camp d’observation devant Philippeville ; « le corps de Carneville se rendit à Barbençon, trois lieues au-dessus de Beaumont ; il n’y avait que 250 chasseurs nobles et autres [fusiliers ? hussards ?] dans ce corps de Carneville, 60 dragons de La Tour, et 60 Spleni Croates eurent les mêmes ordres que nous. Aussitôt arrivés à Barbançon, nous reçumes ordre de nous rendre une lieue plus loin à un village qu’on appelle Bossu ». Le 15 octobre, un corps de 5000 républicains sortit de Philippeville et attaqua les postes de Carneville, les forcèrent, tuèrent une douzaine de chasseurs et firent deux prisonniers nommés Prunier et Massipe. En attendant d’être guillotinés, ceux-ci furent lardés de coups de baïonnettes mais sauvés quelques jours plus tard au cours d’une attaque des troupes autrichiennes, à laquelle le corps de Carneville participa et au cours de laquelle l’auteur fut blessé pour la troisième fois dans la même année... Retiré au dépôt du corps à Ath, Carpentier y fut sollicité par d’autres camarades des Gardes du corps qui le décidèrent à rentrer avec eux, le 12 novembre 1793, au régiment de Loyal Emigrant qui se trouvait alors à Bruges.
« Aussitôt le siège de Maestrikt fini, je suis entré au service autrichien dans le corps franc de Carneville qui fut composé d’une compagnie de tous chasseurs nobles émigrés, et de déserteur ou prisonnier qu’on faisait sur les français carmagnoles, les émigrés étaient volontaires mais les autres étaient engagés.
Après la bataille de Tirlemont, de Narvingue et de Louvain, je fus fais caporal des chasseurs nobles à Mons lors de l’émigration de Dumouriez ; je fus blessé dans le courant d’avril au bois de Vicoigne d’une balle morte, qui néanmoins me cassa l’os de la jambe ».
Après avoir été évacué sur le pays de Liège où il fut à deux doigts de mourir d’une « fièvre putride et maligne » qui l’alita près de 3 mois dont 22 jours d’agonie, Carpentier revint convalescent à Mons. Le 22 juillet, alors qu’il séjournait chez un de ses cousins à Comines, soit à 3 lieues de Lille, il faillit être pris par les républicains alors qu’il était en train d’écrire tranquillement. Il n’eut que le temps de fuir en compagnie d’une douzaine de chasseurs tyroliens qui se trouvaient derrière la maison, mais perdit tous ses papiers dans cette affaire.
Ayant rejoint le dépôt du corps franc à Mons, il fut dirigé sur Chatelet pour y retrouver la compagnie des chasseurs nobles. Le 24 septembre, alors qu’il était aux avant-postes au bois de Strei, près de Beaumont, avec 7 autres chasseurs nobles, il vit déserter 5 soldats qui avaient été faits prisonniers au Quesnoy et qui s’étaient déclarés déserteurs aux Autrichiens. A 04h00 du matin, 20 ou 30 républicains, guidés par les précédents, attaquèrent le poste de Carneville qui se défendit jusqu’à l’arrivée de 50 hommes du corps franc, envoyés en renfort par le lieutenant d’Aboville. Deux des déserteurs furent tués en cette occasion et un troisième, fait prisonnier, fut condamné et exécuté le même jour.
« Le dimanche 29 septembre jour de la Saint-Michel, on nous fit partir à minuit de Beaumont et on fut bloquer Maubeuge. Les chasseurs de Carneville y firent des prodiges de valeur. Un chasseur nommé Limail s’étant trop aventuré dans le bois de Coursolt ( ?), un escadron des dragons du 14e Régiment ci-devant Monsieur alors au service des Carmagnoles, allait charger les cuirassiers autrichiens qui avançaient sur la grande route de Beaumont à Maubeuge. Limail ajusta le chef d’escadrons des Carmagnoles, le tua ; ceux qui le suivaient firent aussitôt demi-tour à droite, et crurent être coupés par rapport à ce seul coup de carabine, et s’en retournèrent au camp de Maubeuge en désordre » […] « Le lundi 30 septembre, les Carmagnoles au nombre de 600 firent une sortie, s’emparèrent de Férières-les-Grandes à la faveur des bois, et leur but fut de forcer le poste que le Corps de Carneville occupait à la fabrique aux armes qu’il y avait. Nos chasseurs les firent sortir du village après un peu d’opiniâtreté. Goui (ou Gouis ?) de Cardenac, caporal de notre compagnie, s’en fut avec 4 chasseurs pour mettre le feu au village, parce que les habitants soutenaient les Carmagnoles et se battaient avec eux. Le brave Limail était du nombre des 4 qui furent mettre le feu à ce village et fut tué. Ces Carmagnoles indignés de ne pas avoir réussi dans leurs projets lancèrent des boulets rouges sur cette fabrique aux armes, qu’ils réduisirent en moins de deux heures » […]« Je ne passerai pas sous silence la misère que nous avons eue pendant le siège ; tous les jours nous étions aux prises avec l’ennemi qui avait détruit tous les puits et pompes, de sorte que nous n’avions pas d’eau. Par un effet du hasard, il pleuvait tous les jours aussi ramassait-on l’eau par où les chevaux creusaient avec les pieds. Elle était conservée précieusement pour boire… Les Carmagnoles firent plusieurs tentatives pendant les dix jours qui furent bombardés. Mais tout fut infructueux »
Au mois d’octobre, l’armée autrichienne établit à Beaumont un camp d’observation devant Philippeville ; « le corps de Carneville se rendit à Barbençon, trois lieues au-dessus de Beaumont ; il n’y avait que 250 chasseurs nobles et autres [fusiliers ? hussards ?] dans ce corps de Carneville, 60 dragons de La Tour, et 60 Spleni Croates eurent les mêmes ordres que nous. Aussitôt arrivés à Barbançon, nous reçumes ordre de nous rendre une lieue plus loin à un village qu’on appelle Bossu ». Le 15 octobre, un corps de 5000 républicains sortit de Philippeville et attaqua les postes de Carneville, les forcèrent, tuèrent une douzaine de chasseurs et firent deux prisonniers nommés Prunier et Massipe. En attendant d’être guillotinés, ceux-ci furent lardés de coups de baïonnettes mais sauvés quelques jours plus tard au cours d’une attaque des troupes autrichiennes, à laquelle le corps de Carneville participa et au cours de laquelle l’auteur fut blessé pour la troisième fois dans la même année... Retiré au dépôt du corps à Ath, Carpentier y fut sollicité par d’autres camarades des Gardes du corps qui le décidèrent à rentrer avec eux, le 12 novembre 1793, au régiment de Loyal Emigrant qui se trouvait alors à Bruges.

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Re: Les frères de Carneville (1)
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Par définition un historien se doit d'éclairer certaines zones d'ombres du passé. Ayant de droit accès à toutes les archives ouvertes, il s'appuie sur ses recherches pour délivrer ses résultats, quitte à briser quelques clichés.
Président de la S.E.H.R.I.

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» Frères ennemis, l'un à l'Angleterre, l'autre à la France
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