Le maréchal Marmont
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Le maréchal Marmont
Document de la Série 8R4 des AD de l'Ain, copie d'une lettre manuscrite du maréchal Marmont en 1815, envoyée dans toute la France et au Prince de Schwarzenberg, réponse à Caulaincourt suite à une approche de l'Empereur à son endroit durant les Cents-jours :
« Réponse de Marmont à Caulaincourt, sur les propositions qui lui ont été faites de la part de Buonaparte adressée au Prince de Schwarzenberg,
J’ai l’honneur de transmettre à vôtre excellence la réponse que j’ai cru devoir faire aux insinuations de Buonaparte, elle verra entièrement le fond de ma pensée et j’ai l’orgueil de croire qu’elle ne me trouvera pas indigne du commandement qu’on a eu la bonté de me proposer, je n’aurai pas la fausse modestie de refusée l’occasion de donner à mon Roi l’éclatant témoignage de ma fidélité et de mon dévouement généreux en versant mon sang pour sa cause, d’effacer le souvenir des services que j’ai trop longtemps rendus au plus perfide et au plus ingrat des hommes, signé Marmont.
Buonaparte, après m’avoir abreuvé d’outrages, par l’intermédiaire des propositions qu’il croit devoir me faire, il pense me rappeler à lui par des promesses et des flatteries, j’ai trop appris comment il savoit allier le mépris et les faveurs pour être étonné de son dernier message, puisque vous êtes chargé, Monsieur, de lui transmettre ma réponse, je vais vous faire connoître ma franchise, mes sentiments afin que celui que vous appelez vôtre maître se dispense de faire auprès de moi de nouvelles tentatives.
Vous savez, Monsieur, avec quel dévouement j’ai servis Buonaparte, que ses destinées ont été à celles de la France depuis plusieurs années, je ne me dissimulais rien, l’injustice de ses autres prises, ni l’extravagance de ses projets, ni son ambition, ni ses crimes, mais il étoit le chef de l’Etat, et ses succès quelques coupables qu’ils me parussent me sembloient préférables pour la patrie, à des revers qui en augmentant les actes de sa fureur pouvoient précipiter la France sous le joug de l’étranger. Buonaparte ne peut nier lui-même l’importance des services que j’ai rendu à l’armée, il n’est pas dans mon caractère d’étaler mes faits d’armes, mais je puis dire que quelques journées de gloire, recommandent peut-être mon nom à l’histoire.
Une témérité paiée par les plus éclatans désastres amène toutes les armées de l’Europe dans le cœur de la France, je soutins avec ardeur quoiqu’avec des forces inégales le choc de la division qui me fut opposée, l’imprudence de Buonaparte avoit laissé Paris sans défense, je courus couvrir la capitale, j’arrivais avec mon corps, j’arrivais au moment où une armée de 120 000 hommes se précipitait sur elle, s’en étoit fait, de la première cité du monde, la valeur des gardes nationales de Paris n’avoit fait qu’irriter les vainqueurs, lorsque le prince de Schwarzenberg et M. de Nesselrode me déclarèrent que la ville pouvoit être sauvée par une capitulation. Je traitai d’abord pour le salut d’un million d’hommes et j’eus le bonheur d’entrer en négociation pour le salut de la France entière. Un juste ressentiment animoit les souverains alliés, ils le sacrifièrent au dessin de conquérir une gloire plus pure que celle des conquêtes, ils m’apprirent que le tyran du monde une fois renversé, leur ressentiment s’éteindroit, j’osai alors jetter un coup d’œil scrutateur sur les secrètes pensées des souverains. J’osai dire qu’il existoit une famille infiniment regrettée en France que recommandaient les siècles d’une gloire pure dont le nom lié à tous les souvenirs de bonheur et de prospérité retenti d’un bout de la France à l’autre aussitôt qu’une bouche l’aurait prononcé, je vis à la réponse que j’obtîns, que j’avois capitulé non avec nos ennemis mais avec nos libérateurs, je fis alors une faute immense et c’est la seule que je me reproche, j’eus la faiblesse d’exiger la conservation des jours de Buonaparte, j’en arrachai le serment de ses ennemis et je fis ainsi contre l’intérêt de ma patrie à cause de sentiments mal éteint d’une ancienne amitié. Voilà le seul tort que ma conscience me reproche en ce moment, la France a reconnu dans Louis, son Roi, son père, son sauveur, c’est Louis qui a sauvé la France des suites ordinaires d’un envahissement, la conquête donnoit aux puissances le droit de se partager un pays qui leur arrachoit depuis vingt ans toutes leurs richesses et leurs puissances, le nom de Louis les a appaisées, ainsi Louis absent, sans arme, sans soldat, revétu de cette seule force qui donnent la vertu et l’ascendant d’un souverain légitime sur l’Europe en armes, la paix la plus extraordinaire dont jamais l’histoire ait gardé la mémoire. Je suis voué sans réserve à la défense du véritable souverain, je l’ai honoré dans sa prospérité, je lui serai fidèle dans son infortune et dussent ses revers être aussi durables que je les crois passagers, ma vie s’éteindre à ses côtés, heureux de voir couler pour sa conversation la dernière goutte de mon sang. Voilà Monsieur, mes sentiments et ma justification, vous savez, si le règne de Louis a pu en affaiblir l’effort, ce règne merveilleux dans sa briéveté, ce règne le sujet de notre admiration, de notre amour, de nos larmes, ce règne éternel objet de la méditation des princes, le désespoir des tyrans va déposer dans la postérité en faveur de ceux qui contribuèrent au retour des Bourbons et contre les coupables partisans de l’usurpateur, je vous le dis, Monsieur, avec toute la franchise qui fait le fond de mon caractère, je n’ai recherché et je n’attends l’approbation de Buonaparte, ni de vous, ni des hommes qui pensent comme vous et qui vous ressemblent, j’ai été étonné, je l’avoue d’entendre ce compagnon du Duc d’Enghien me reprocher d’avoir abandonné Buonaparte pour un Bourbon. J’excuse l’erreur de tous ceux qui ont admiré ce héros sanguinaire jusqu’au règne de Louis XVIII, mais je crois prévenir le jugement de l’histoire en vouant au mépris, à l’exécution quiconque a quitté le Roi pour s’attacher à Buonaparte. Je vous déclare, Monsieur, que ces lâches ennemis de la Patrie sont à mes yeux indignes de pitié et de pardon. Je pense que la Nation doit pour éviter un opprobe éternel les repousser pour toujours de son sein. Vous voyez Monsieur, par la franche énonciation de mes principes, si Buonoparte peut songer encore à me séduire, dites à l’assassin du Duc d’Enghien et de Pichegru, dites aux perturbateurs de l’Europe, dites à celui qui a plongé la France dans le sang et les larmes, dites au violateur du droit des gens et de tous les traités, dites au plus parjure, au plus perfide, au plus coupable des mortels, que le serment que j’ai prêté à mon Roi sera dans peu de jours scellé du sang des traîtres et des parjures, qu’il n’y a rien entre moi de commun et le persécuteur de la patrie, que mon bras va bientôt conduire l’étendart des lys jusque dans la capitale du monde, que ma vie est désormais consacré toute entière à rallier autour du drapeau blanc les sujets fidèles et les sujets égarés, annoncez lui de la part de l’Europe entière que le sang versé par les assassins va retomber sur leur tête et que le jour de la justice approche, signé Marmont ».
« Réponse de Marmont à Caulaincourt, sur les propositions qui lui ont été faites de la part de Buonaparte adressée au Prince de Schwarzenberg,
J’ai l’honneur de transmettre à vôtre excellence la réponse que j’ai cru devoir faire aux insinuations de Buonaparte, elle verra entièrement le fond de ma pensée et j’ai l’orgueil de croire qu’elle ne me trouvera pas indigne du commandement qu’on a eu la bonté de me proposer, je n’aurai pas la fausse modestie de refusée l’occasion de donner à mon Roi l’éclatant témoignage de ma fidélité et de mon dévouement généreux en versant mon sang pour sa cause, d’effacer le souvenir des services que j’ai trop longtemps rendus au plus perfide et au plus ingrat des hommes, signé Marmont.
Buonaparte, après m’avoir abreuvé d’outrages, par l’intermédiaire des propositions qu’il croit devoir me faire, il pense me rappeler à lui par des promesses et des flatteries, j’ai trop appris comment il savoit allier le mépris et les faveurs pour être étonné de son dernier message, puisque vous êtes chargé, Monsieur, de lui transmettre ma réponse, je vais vous faire connoître ma franchise, mes sentiments afin que celui que vous appelez vôtre maître se dispense de faire auprès de moi de nouvelles tentatives.
Vous savez, Monsieur, avec quel dévouement j’ai servis Buonaparte, que ses destinées ont été à celles de la France depuis plusieurs années, je ne me dissimulais rien, l’injustice de ses autres prises, ni l’extravagance de ses projets, ni son ambition, ni ses crimes, mais il étoit le chef de l’Etat, et ses succès quelques coupables qu’ils me parussent me sembloient préférables pour la patrie, à des revers qui en augmentant les actes de sa fureur pouvoient précipiter la France sous le joug de l’étranger. Buonaparte ne peut nier lui-même l’importance des services que j’ai rendu à l’armée, il n’est pas dans mon caractère d’étaler mes faits d’armes, mais je puis dire que quelques journées de gloire, recommandent peut-être mon nom à l’histoire.
Une témérité paiée par les plus éclatans désastres amène toutes les armées de l’Europe dans le cœur de la France, je soutins avec ardeur quoiqu’avec des forces inégales le choc de la division qui me fut opposée, l’imprudence de Buonaparte avoit laissé Paris sans défense, je courus couvrir la capitale, j’arrivais avec mon corps, j’arrivais au moment où une armée de 120 000 hommes se précipitait sur elle, s’en étoit fait, de la première cité du monde, la valeur des gardes nationales de Paris n’avoit fait qu’irriter les vainqueurs, lorsque le prince de Schwarzenberg et M. de Nesselrode me déclarèrent que la ville pouvoit être sauvée par une capitulation. Je traitai d’abord pour le salut d’un million d’hommes et j’eus le bonheur d’entrer en négociation pour le salut de la France entière. Un juste ressentiment animoit les souverains alliés, ils le sacrifièrent au dessin de conquérir une gloire plus pure que celle des conquêtes, ils m’apprirent que le tyran du monde une fois renversé, leur ressentiment s’éteindroit, j’osai alors jetter un coup d’œil scrutateur sur les secrètes pensées des souverains. J’osai dire qu’il existoit une famille infiniment regrettée en France que recommandaient les siècles d’une gloire pure dont le nom lié à tous les souvenirs de bonheur et de prospérité retenti d’un bout de la France à l’autre aussitôt qu’une bouche l’aurait prononcé, je vis à la réponse que j’obtîns, que j’avois capitulé non avec nos ennemis mais avec nos libérateurs, je fis alors une faute immense et c’est la seule que je me reproche, j’eus la faiblesse d’exiger la conservation des jours de Buonaparte, j’en arrachai le serment de ses ennemis et je fis ainsi contre l’intérêt de ma patrie à cause de sentiments mal éteint d’une ancienne amitié. Voilà le seul tort que ma conscience me reproche en ce moment, la France a reconnu dans Louis, son Roi, son père, son sauveur, c’est Louis qui a sauvé la France des suites ordinaires d’un envahissement, la conquête donnoit aux puissances le droit de se partager un pays qui leur arrachoit depuis vingt ans toutes leurs richesses et leurs puissances, le nom de Louis les a appaisées, ainsi Louis absent, sans arme, sans soldat, revétu de cette seule force qui donnent la vertu et l’ascendant d’un souverain légitime sur l’Europe en armes, la paix la plus extraordinaire dont jamais l’histoire ait gardé la mémoire. Je suis voué sans réserve à la défense du véritable souverain, je l’ai honoré dans sa prospérité, je lui serai fidèle dans son infortune et dussent ses revers être aussi durables que je les crois passagers, ma vie s’éteindre à ses côtés, heureux de voir couler pour sa conversation la dernière goutte de mon sang. Voilà Monsieur, mes sentiments et ma justification, vous savez, si le règne de Louis a pu en affaiblir l’effort, ce règne merveilleux dans sa briéveté, ce règne le sujet de notre admiration, de notre amour, de nos larmes, ce règne éternel objet de la méditation des princes, le désespoir des tyrans va déposer dans la postérité en faveur de ceux qui contribuèrent au retour des Bourbons et contre les coupables partisans de l’usurpateur, je vous le dis, Monsieur, avec toute la franchise qui fait le fond de mon caractère, je n’ai recherché et je n’attends l’approbation de Buonaparte, ni de vous, ni des hommes qui pensent comme vous et qui vous ressemblent, j’ai été étonné, je l’avoue d’entendre ce compagnon du Duc d’Enghien me reprocher d’avoir abandonné Buonaparte pour un Bourbon. J’excuse l’erreur de tous ceux qui ont admiré ce héros sanguinaire jusqu’au règne de Louis XVIII, mais je crois prévenir le jugement de l’histoire en vouant au mépris, à l’exécution quiconque a quitté le Roi pour s’attacher à Buonaparte. Je vous déclare, Monsieur, que ces lâches ennemis de la Patrie sont à mes yeux indignes de pitié et de pardon. Je pense que la Nation doit pour éviter un opprobe éternel les repousser pour toujours de son sein. Vous voyez Monsieur, par la franche énonciation de mes principes, si Buonoparte peut songer encore à me séduire, dites à l’assassin du Duc d’Enghien et de Pichegru, dites aux perturbateurs de l’Europe, dites à celui qui a plongé la France dans le sang et les larmes, dites au violateur du droit des gens et de tous les traités, dites au plus parjure, au plus perfide, au plus coupable des mortels, que le serment que j’ai prêté à mon Roi sera dans peu de jours scellé du sang des traîtres et des parjures, qu’il n’y a rien entre moi de commun et le persécuteur de la patrie, que mon bras va bientôt conduire l’étendart des lys jusque dans la capitale du monde, que ma vie est désormais consacré toute entière à rallier autour du drapeau blanc les sujets fidèles et les sujets égarés, annoncez lui de la part de l’Europe entière que le sang versé par les assassins va retomber sur leur tête et que le jour de la justice approche, signé Marmont ».
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