Aube volontaires
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Aube volontaires
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Laurent- inceptio
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Les volontaires de l'Aube en Vendée
Le 27 avril 1793, à la barre de la Convention, Cambon annonçait au nom du Comité de salut public que le département de l’Hérault venait d’être requis de fournir 5 000 hommes supplémentaires afin de faire face à la menace espagnole sur les Pyrénées. De suite, les députés décrétèrent que l’ensemble des départements devait être avertis de la prise desdites mesures.
Ainsi éclairés ; suivant l’exemple de l’Hérault, et au regard de l’urgence posée par l’insurrection vendéenne, le département de l’Aube, le district et la municipalité de Troyes, le 12 mai, arrêtèrent en ces termes la levée d’un nouveau bataillon de volontaires :
« Article 1er. Il sera levé et organisé un bataillon de volontaires nationaux, composé de huit cents hommes, lequel, aussitôt son organisation, se portera au secours des départements de la Vendée, de la Loire-Inférieure et autres, que les malheurs de la guerre civile affligent.
Article 2. Ce Bataillon ne subsistera que jusqu'au jour où les troubles seront apaisés dans les départements et que les brigands les auront évacués, conformément à la loi du …
Article 3. Les citoyens en état de porter les armes dans l'étendue du département sont invités de s'inscrire pour former ce Bataillon.
Article 4. Les inscriptions seront reçues, pour la ville de Troyes, à l'administration du district, à la municipalité, dans les sections, qui nommeront à cet effet des commissaires, et à la Société populaire de ladite ville.
Article 5. Dans les autres endroits du département, ces inscriptions seront reçues au chef-lieu des districts et aux secrétariats des municipalités des chefs-lieux de canton.
Article 6. Les registres d'inscription ne seront ouverts que pendant cinq jours, à compter de celui de l'affiche et publication du présent arrêté. Ces cinq jours expirés, les registres seront fermés et les listes des inscrits seront directement et sur le champ adressées au directoire du département par un exprès.
Article 7. Aussitôt que les inscriptions seront faites, les hommes seront réunis au chef-lieu du département pour s'y organiser en bataillon, nommer leur état-major et autres officiers et se tenir prêts à partir à la première réquisition qui leur en sera faite.
Article 8. Chaque volontaire sera habillé, équipé et armé, et il recevra en outre, à l'instant de son départ, une somme de trois cents livres.
Article 9. Il recevra en outre 20 sous par jour, à compter de son inscription, qui ne lui seront payés que lorsqu'il aura été reçu du commissaire dont il sera parlé ci-après.
Article 10. Il sera fait un fonds de 200 000 livres pour les secours à donner aux pères, mères femmes et enfants des volontaires, pendant leur absence, et à compter du jour de leur départ.
Article 11. A mesure des inscriptions, les inscrits seront vus et visités, à Troyes, par le citoyen Bergerat et, dans les autres districts, par les officiers de santé que les directoires nommeront à l'effet de constater s'ils n'ont aucun défaut de conformation et s'ils sont en état de porter les armes.
Article 12. Ceux qui seront jugés en état de servir, seront présentés au citoyen Loncle, commissaire, que les corps administratifs nomment à cet effet ; lequel, après les avoir admis, les fera habiller, équiper et armer ainsi qu'il est dit en l'article 8 ci-dessus.
Article 13. Pour subvenir aux frais que cette levée occasionnera, il sera fait un emprunt forcé d'un million sur les riches du département.
Article 14. Le recouvrement de cette somme se fera sur le champ à la diligence des procureurs-syndics des districts, sous la surveillance du procureur-général-syndic ; les deniers seront remis dans les caisses des receveurs des districts, lesquels les reverseront sur le champ dans la caisse du receveur du district de Troyes.
Article 15. Cet emprunt forcé sera personnel et payable au lieu du domicile.
Article 16. Pour donner à cet emprunt le mode le plus prompt et le plus juste, il sera nommé pour la ville de Troyes, six commissaires dans chaque section, lesquels, réunis aux
corps administratifs, procureront les connaissances relatives à la masse des fortunes et des citoyens.
Article 17. A l'effet des dispositions ci-dessus, les sections s'assembleront demain matin et les commissaires nommés se réuniront aux corps administratifs le 14 de ce mois, aussi dans la matinée.
Article 18. Les administrateurs des districts demeurent spécialement chargés de prendre les mesures les plus promptes et les plus efficaces pour obtenir les mêmes renseignements sur les fortunes des citoyens domiciliés dans leurs districts respectifs.
Article 19. Ces renseignements seront envoyés au plus tard dans trois jours, au procureur-général-syndic du département.
Article 20. Pour parvenir à cet emprunt, il sera distrait des revenus présumés une somme de 1 500 livres, tant pour l'homme que pour la femme et 500 livres pour chaque enfant; le surplus de leur revenu présumé formera la base de l'emprunt dans des proportions progressives.
Article 21. Il sera distrait, pour l'homme veuf sans enfants ou pour le célibataire, 1 000 livres seulement ; et pour la femme veuve, aussi sans enfants, ou pour la célibataire, pareille somme de 1 000 livres, le surplus de leur revenu présumé sera sujet à l'emprunt.
Article 22. Le présent arrêté sera dans le jour de demain envoyé par des courriers extraordinaires dans les districts, lesquels les feront également parvenir sur-le-champ, par des exprès, aux communes de leurs arrondissements, pour y être lu, publié et affiché dans le jour de la réception, à l'effet de quoi les officiers municipaux seront tenus de faire assembler extraordinairement tous les citoyens, afin de leur en donner connaissance.
Article 23. Les procureurs-syndics des districts sont spécialement chargés de rendre compte, jour par jour, de l'exécution du présent arrêté, d'après celui qu'ils se feront rendre, aussi jour par jour, par les procureurs des communes.
Article 24 et dernier. Et sera le présent arrêté sur-le-champ adressé au Comité de Salut public de la Convention nationale et au Ministre de la Guerre [ledit arrêté fut d’ailleurs lu à la Convention lors de la séance du 19 mai]. »
Dans la même foulée, cette adresse fut envoyée à tous les districts et municipalités du département afin d’y être lue, publiée et affichée :
« Les corps administratifs du département de l'Aube, du district de Troyes et de la municipalité de ladite ville réunis,
A tous les citoyens du département, concitoyens, frères et amis,
La voix de la Patrie déchirée et sanglante parle au cœur de tous les Français. Souffrirons-nous que de nombreux rebelles, enhardis par des mesures ou faibles ou perfides, égarés par des monstres sanguinaires ou fanatiques, désolent plus longtemps les belles contrées où la liberté ne devrait avoir que des amis et des autels.
Les départements de la Vendée, de la Loire-Inférieure, d'Indre-et-Loire sont le malheureux théâtre de la guerre civile. Déjà ce torrent destructeur s'agrandit et répand ses ravages. Opposons à ses progrès le courage de la liberté et l'enthousiasme de la patrie; mais ne perdons pas un instant.
Frères et amis, chaque heure qui s'écoule va devenir un crime pour nous : nous serons comptables des malheurs de nos frères, et tout le sang patriote que nous laisserons répandre rejaillira un jour sur nos têtes coupables, et les marquera pour jamais d'un signe réprobateur.
Volons dans la Vendée; formons un bataillon intrépide, animé du saint amour de l'égalité, que des monstres veulent détruire.
Que de ce premier élan, il sorte rapidement de nos limites un bataillon bien organisé, bien équipé, bien armé; et surtout bien conduit ! S’il est nécessaire, notre amour pour la patrie n'en demeurera pas là. Mais hâtons-nous de recueillir le fruit de ce premier effort. Les bons patriotes qui voudront s'engager, recevront le juste prix de leur courage. Nous imiterons le civique exemple de nos frères de l'Hérault; nous imposerons les riches; leur or trop longtemps inutile, servira cette fois à la cause de l'égalité nous saurons l'employer à l'habillement, à l'équipement et à l'armement des braves vengeurs de la liberté.
N'en doutons pas, frères et amis, en nous réunissant aux nombreuses légions qui volent à la Vendée, les rebelles seront bientôt vaincus.
Un grand nombre peut-être n'est qu'égaré ; leurs exécrables chefs seront punis ; la liberté vengée et triomphante renaîtra du sang de ses perfides ennemis, et ses défenseurs reviendront bientôt dans leurs foyers jouir du prix de la victoire et des bienfaits de la patrie. »
Un mois plus tard, deux compagnies étaient rassemblées. Le 10 juin, eurent lieu les élections des cadres. Leurs compositions étaient les suivantes :
-1ère compagnie :
Capitaine : Hévrard
Lieutenant : Cassin
Sous-lieutenant : Le Blanc
1 sergent-major
2 sergents
3 caporaux
67 volontaires
-2ème compagnie :
Capitaine : Deheurles
Lieutenant : Favrot
Sous-lieutenant : Nayot
1 sergent-major : Serton
2 sergents : Coffinet, Constant
4 caporaux (Poulain, Rolin, Dubaune, Horiot)
1 tambour
66 volontaires
Le 11, les autorités locales remirent à chaque officier une épée et un hausse-col, et aux deux compagnies un oriflamme qui fut béni le lendemain par l’évêque et où l’on pouvait lire : « Maintien de la République une et indivisible. Guerre aux tyrans, aux anarchistes et aux brigands ». Le départ eut finalement lieu le 13. Les deux compagnies partirent ensuite pour Orléans ; ville qu’elles quittaient le 22 juin pour filer sur Tours, où elles entraient quatre jours plus tard. Elles étaient dirigées par Benoît Chaperon. Aux premières loges dès les premiers mouvements révolutionnaires de 1789, Chaperon, huissier de police ou juge de paix du quartier de Belfroy, avait été élu lieutenant des grenadiers du 4e bataillon de la garde nationale en mars 1792, et avait été envoyé dans les districts d’Arcis et de Nogent-sur-Seine comme commissaire à la levée du bataillon de grenadiers en août de la même année.
Dans le même temps, se poursuivait à Troyes la formation des compagnies complémentaires du bataillon sous la surveillance de Fouché. Ce dernier, suite à l’appel désespéré d’une députation de Nantes lancée le 22 juin à la Convention, avait été envoyé deux jours plus tard dans les départements de l’Ouest et du Centre afin d’opérer des levées devant marcher ensuite sur la Vendée. Il arriva à Troyes le 28 du même mois accompagné du représentant nantais, Pointel. Le jour même, le conseil général renouvelait son arrêté du 12 main et le lendemain, Fouché faisait publier cette proclamation aux habitants du département de l’Aube :
« Républicains,
Une nouvelle conspiration éclate de toutes parts contre la liberté; l'aristocratie et le fanatisme relèvent leurs têtes hideuses au milieu des débris du trône. Des hommes dont l'excès seul du délire peut égaler la scélératesse, ont conçu l'exécrable projet de déchirer la République pour s'en partager les lambeaux sanglants. La guerre civile, qui dévore les départements de l’ouest, est le sinistre résultat des machinations qu'ils méditaient avec Dumouriez et ses complices parricides.
Depuis six mois, la ville de Paris, dépositaire de votre liberté et de votre gloire, les surveillait avec constance ; elle les a dénoncés à la France entière ; son indignation a été longtemps contenue par le respect religieux qu'elle porte à la représentation nationale mais l'excès de l'oppression a brisé le ressort qui la comprimait ; une voix terrible s'est fait entendre du sein de cette immense cité; le tocsin et le canon d'alarme ont éveillé le patriotisme en annonçant que la liberté était en péril, qu'elle n'avait plus qu'un moment pour se sauver ; soudain les 48 sections ont été couvertes de fer, et transformées en une armée. Ce colosse redoutable est debout, il marche, s'avance, il va comme Hercule, parcourir la République pour y exterminer cette croisade féroce qui a juré la mort du peuple.
Généreux citoyens de l'Aube, un semblable exemple est propre à enflammer vos âmes, vous ne vous laisserez point surpasser en amour pour la patrie, vous combattrez pour elle avec la même ardeur. Entendez les cris des nombreux martyrs e la liberté, qui, en tombant sous les poignards des assassins, vous appellent à venger leur mort et à délivrer leurs femmes et leurs enfants. Eh ! s'il vous fallait, pour vous émouvoir, des considérations personnelles, songez que le despotisme devenant victorieux, vous n'échapperiez pas aux horreurs des supplices, même en consentant à vivre dans l'ignominie de l'esclavage.
La ville de Nantes, cette fière cité qui, la première osa renverser les institutions tyranniques dont elle était entourée, est aujourd’hui menacée de toutes les vengeances ; les brigands sont à ses portes ; les dangers ne peuvent être exagérés, elle sollicite votre appui, elle vous presse d'armer vos bras pour la secourir ; des délais pourraient amener une suite horrible de malheurs. N'en doutez pas, républicains, les nantais s'enseveliront plutôt sous les cendres de leur cité, que de souffrir qu'on leur remette les fers qu'ils ont brisés par les efforts de leur courage et le développement sublime de leur énergie.
Volez promptement à leur défense, allez recevoir dans leurs tendres embrassements, les touchants témoignages de leur gratitude, ce prix de votre dévouement suffira sans doute à vos coeurs mais la Convention nationale vous en doit un autre, elle veut assurer une honnête subsistance à vos familles, elle veut qu'elles soient honorées, qu'elles soient heureuses, c'est la plus chère de ses espérances.
La Constitution qu'elle vous présente est le garant qu'elles ne seront pas vaines. Bientôt sa morale douce et pure, deviendra le centre de toutes les affections, entraînera toutes les volontés, elle consommera par l'amour, une révolution que la justice populaire avait commencée par la terreur ! »
Le 30 juin, Fouché rédigeait le rapport suivant :
« A peine le sujet de ma mission a été connu, une souscription volontaire s'est formée; des administrateurs, des juges ont ouvert la liste, et un grand nombre de citoyens, de généreux sans-culottes se sont empressés de suivre cet exemple. Dans peu de jours, nous aurions l'espoir d'improviser un bataillon si les armes ne nous manquaient. Vous pouvez cependant bien compter sur 400 braves défenseurs, bien armés, bien équipés, et le plus grand nombre exercés aux manoeuvres militaires. Déjà 160 [les compagnies Deheurles et Hévrard] sont partis pour cette destination ; tous ont juré de ne revenir dans leurs foyers qu'après avoir exterminé les brigands de la Vendée. On peut en croire leurs serments, ce sont de vrais républicains qui ne savent pas reculer devant des royalistes.
Je vous envoie un exemplaire de la proclamation que j'ai fait publier et afficher. Je ne quitterai point cette ville que le bataillon ne soit formé et parti si mes trois autres collègues [Philippeaux, Esnue de la Vallée, Méaulle] obtiennent le même succès dans les départements où ils sont actuellement, nous aurons une nouvelle armée, qui vaudra bien celle qui est à Tours aujourd’hui. Le député extraordinaire de Nantes, qui m accompagne, se charge d'exercer lui-même tous les volontaires qui se présentent, de les former en compagnie, et de veiller à tout ce qui leur est utile pour leur prompt départ. »
Le 1er juillet, un grand rassemblement eut lieu afin de procéder aux inscriptions. Trois cents hommes (dont l’ensemble de la compagnie des canonniers de la garde nationale ; la nomination des cadres de cette unité s’effectua le 3 juillet) se portèrent volontaires, puis défilèrent dans la ville, musique en tête, jusqu’à la nuit afin d’inciter leurs concitoyens troyens à venir rejoindre leurs rangs.
Satisfait, Fouché écrivait à nouveau le 4 juillet :
« J'aurai la satisfaction de ne point quitter le département de l'Aube qu'un bataillon complet bien armé, bien équipé, ne soit parti pour la Vendue. Il s'exerce presque tous les jours et le 7 au plus tard il se mettra en marche. Ce bataillon ne sera pas le moins redoutable aux brigands; il a montré dans la formation une ardeur guerrière et des vertus républicaines ; on n'entend s'élever de son sein qu'un seul cri, celui de la vengeance contre les ennemis de la cause de la liberté ; qu'une seule inquiétude, celle pour les femmes et les enfants des volontaires. Elle est bien pardonnable, cette inquiétude dans un peuple longtemps trompé, toujours trahi, toujours à la merci do la puissance, de la ruse et de l’iniquité. Il reporte facilement la défiance contre le vieux régime sur celui de la République, il a de la peine à prendre une entière confiance aux promesses qui lui sont faites, et même en votre nom, et surtout au moment où les secours accordés ne peuvent être payée en entier. Les caisses sont presque vides, il est urgent que vous décrétiez les sommes nécessaires qui vous sont demandées dans la pétition que je vous envoie. »
La dernière doléance de Fouché sera satisfaite et la Convention décréta le 8 juillet une aide de 300 000 livres. A noter que le département de l’Aube en demandait le double, mais cette demande reçue le lendemain du décret précédemment évoqué fut rejetée par les députés.
Les affaires allèrent bon train, et le 7 juillet deux compagnies partaient pour la Vendée, comme l’indique la lettre écrite par Pointel le lendemain à ses collègues nantais :
« Chers Administrateurs,
Le départ des deux premières compagnies de Volontaires faisant ensemble 200 hommes, a eu lieu hier matin : un peuple nombreux, les administrateurs et nous, les avons conduits à une demie lieue de la Ville, aux cris de Vive la Liberté ! Vive la République ! La gaieté qui brillait sur tous les visages donnait à cette matinée un air de fête et si quelques larmes ont coulé, elles étaient un tribut à l'amour et celles de l'espérance.
La Compagnie des canonniers partira demain ; deux autres compagnies de 100 hommes vont encore se former en partie composées des recrues faites dans les différents districts de ce département ; elles seront prêtes à partir sous peu de jours, nous ne les attendrons cependant pas, mais nous en laissons le soin à un excellent Patriote de la Ville qui part avec eux et qui brûle du désir de combattre les rebelles.
Hier après midi, l'acte de constitution a été solennellement proclamé par toute la Ville, au bruit du Canon ; au son de toutes les cloches; au chant d'un Te Deum et aux Cris de vive la Montagne! La Ville a été illuminée.
Nous partons demain pour Dijon; veuillez bien m'y adresser une réponse et dites moi si vous avez reçu mes deux premières.
Je brûle de savoir des nouvelles de Nantes, et je ne serai tranquille sur son sort, que lorsque vous m'aurez écrit vous mêmes. »
Les 3e et 4e compagnies ici évoquées étaient placées sous le commandement des capitaines Mignot et Catigny ; celle des canonniers sous celui de Lefebvre.
Finalement, Pointel et Fouché restèrent encore quelques jours à Troyes et ce ne furent pas deux mais trois autres compagnies que l’on leva (capitaines Sergent, Bouillerot, Groussel). Celles-ci quittèrent Troyes le 16 juillet.
A cette occasion, Pointel rédigea ce rapport :
« Par ma dernière en date du 6 courant, je vous marquais notre projet de départ pour Dijon; diverses circonstances en ont autrement décidé : l'espoir d'organiser encore plusieurs compagnies et l'indispensable nécessité d'être présent à leur formation. Nous n'avons point été trompés dans notre attente et nous avons utilement employé notre temps. Trois superbes compagnies, au delà de leur complet, sont parties hier au soir, aux cris de : Vive la République. Nous les avons ainsi que les 3 premières accompagnées à une certaine distance de la Ville. J'avais l'honneur de les commander, après avoir contribué de mon mieux à leur formation. Il est impossible de vous peindre la bonne volonté et le patriotisme des Troyens.
Si nous avions des armes, nous pourrions lever encore aisément mille hommes. »
Fouché, deux jours plus tôt, avait écrit cette lettre ; il s’agissait de sa dernière missive concernant sa mission à Troyes ; lui et Pointel devaient quitter la ville le 17 au soir pour filer sur Nevers :
« C'est ici le moment de relever une contradiction frappante : les citoyens du département de l’Aube sont tous prêts à marcher contre les ennemis de la Constitution, et cependant le contingent pour le premier recrutement n'est pas encore au complet. Ce n'est pas la faute des citoyens, mais bien le résultat du système des messieurs qui ont été nommés par le pouvoir exécutif pour cette mission pour se perpétuer dans le droit de consommer à leur profit les finances de la République.
J’ai quelque droit de leur adresser des reproches, lorsque en moins de quinze jours, j'ai pu lever un bataillon, l'équiper, l’habiller, l’armer et le faire partir pour sa destination. En vain, on l’on dira que j’ai offert des gratifications. Toute la ville de Troyes a vu le dévouement de ses citoyens. Après avoir été moi-même, précédé des tambours, dans toutes les places de cette cité, à la porte de tous les ateliers, faire entendre la voix de la patrie en danger ; le lieu désigné pour le rassemblement fut en un moment couvert d'hommes de tout âge qui ne firent entendre qu'une même volonté : celle de s'armer et de partir sur-le-champ. Le bataillon que je voulais lever, porté au complet, je fus obligé de renvoyer à leurs travaux plus de 1 500 jeunes gens. L’un d’eux, qui avait à peine 16 ans, s’élance vers moi en me conjurant de lui permettre d'entrer dans les rangs de ceux qui partirent : « Si je ne suis pas assez fort, dit-il, j'ai du courage, j'épierai la marche de l’ennemi, je vous apporterai son secret ; si je péris en arrivant au camp, faites-moi servir de bourre à un canon, mes os ne sont pas si mous qu'ils ne puissent porter la mort aux ennemis. » J'aurais des milliers de traits de cette espèce à vous rapporter si vous en aviez besoin pour vous assurer que le département de l'Aube est digne de défendre la Constitution républicaine que vous lui offrez. »
Finalement les six dernières compagnies ne rejoignirent leurs homologues à Tours. A Montargis, le 10 juillet, les volontaires de l’Aube furent avertis qu’un ordre du ministre de la Guerre, Bouchotte, en date du 8 juillet, les dirigeait sur la Normandie afin de lutter contre l’insurrection fédéraliste qui venait d’y éclater.
Le 21, les Aubois se trouvaient à Mantes, et le 5 septembre à Evreux, alors que la révolte fédéraliste était déjà matée. Les cinq compagnies de fusiliers et celle des canonniers y étaient placées sous le commandement du capitaine Sergent. Elles y prirent le titre de 6e bataillon de l’Aube et restèrent finalement en Normandie.
De leur côté, les deux compagnies placées à Tours dans la vaine attente d’être complétées avaient pris la dénomination de 4e bataillon. A noter que le numéro 5 avait été à l’origine destiné au bataillon de grenadiers levé en août 1792 sur ordre de Biron. Les volontaires de cette unité furent finalement maintenus provisoirement sur place, avant d’être compris dans la levée en masse de février 1793.
Se rapprochant du théâtre d’opération, mais toujours en position de réserve, les deux compagnies de Chaperon cantonnaient à la mi-octobre à Saint-Hilaire-Saint-Florent, aux portes de Saumur.
Si le 6e bataillon ne fut pas dirigée sur la Vendée, il combattit pourtant bien les insurgés. Incorporés à l’armée des côtes de Cherbourg du général Tilly, les volontaires de l’Aube cantonnés alors en Normandie participèrent à la poursuite de l’armée catholique et royale lors de la campagne d’outre-Loire. Au sein de la 2e brigade du général Dhalancourt (31e régiment d’Aunis, 33e division de gendarmerie, 2e bataillon de Paris), nous les retrouvons notamment aux boucheries du Mans et de Savenay, où ils eurent les honneurs des rapports des représentants Turreau, Prieur de la Marne et Bouchotte :
« Les bataillons de l’Aube, de la Dordogne et généralement tous ceux aux ordres du général Tilly, et dont nous n’avons pas encore pu nous procurer les noms, se sont disputé d’audace et d’intrépidité ; chaque soldat était un héros dans ces légions britanniques. » (soir de la bataille du Mans, 13 décembre 1793)
« Le 6e bataillon des volontaires de l’Aube, les 6e et 31e régiments, ci-devant Aunis et Armagnac, ont conservé la réputation qu’ils s’étaient acquises au Mans. » (soir de la bataille de Savenay, 23 décembre 1793)
Suite à l’anéantissement de l’armée rebelle, le 6e bataillon de l’Aube alla cantonner à Nantes pour quelques jours avant de recevoir, le 28 décembre, l’ordre de passer (enfin) en Vendée, afin marcher sur Port-Saint-Père. Si le bataillon s’était fort bien comporté lors de la dernière campagne, le cœur n’y était à présent plus vraiment. Le commissaire du Maine-et-Loire, Benaben, rapporta en ces termes, à Vial, procureur général-syndic du département, les circonstances de la marche en question :
« Les soldats reculent pour marcher en avant ; on avait donné l’ordre à la division Tilly de se porter toute entière sur Port-Saint-Père. Il ne s’en est présenté que la moitié au moment de partir. Je n’ai pas vu un seul gendarme de la 33e division ; tout le bataillon de l’Aube qui s’était d’abord rassembler dans le quartier de la Fosse où était ses logements, refusa net de marcher, à l’exception d’un commandant et d’un caporal ; il est vrai que ces malheureux sont sans souliers et n’ont que des guenilles pour se couvrir, mais cela ne suffit pas pour leur faire refuser d’obéir. Carpentier leur a enlevé leur drapeau et les a fait placer au milieu de la colonne. »
Une pâle conduite que le bataillon fit oublier cinq jours plus tard lors de la reprise de Machecoul.
La division Carpentier, sur ordre d’Haxo, avait en effet quitté Port-Saint-Père pour Machecoul le 29 décembre. Le 31, suite au départ des Bleus, Charette s’était emparé de la petite ville bien faiblement défendue par un petit poste. Rendu à Challans, Carpentier contre-attaqua alors le 2 janvier et reprit la ville aux rebelles, qui furent à nouveau repoussés le lendemain.
Néanmoins, la volonté de quitter le théâtre d’opération vendéen était bien réelle. Ainsi, le 1er février 1794, Bouchotte écrivait cette lettre au Comité de salut public :
« Citoyens représentants,
Le 6e bataillon de l'Aube, qui faisait partie de l'année des. Côtes de Cherbourg, doit sa naissance à l'élan du républicanisme qui enflamma les patriotes de ce département lors des progrès alarmants des brigands de la Vendée. Ce bataillon, qui compte parmi ses membres un grand nombre de pères de famille et des fonctionnaires publics, a vraiment justifié les motifs généreux auxquels est due sa formation. Après avoir contribué à la réduction des rebelles du Calvados, il s'est mesuré avec gloire et succès contre les rebelles de la Vendée et s'est entre autres distingué dans les affaires du Mans, de Savenay et de Machecoul, suivant l'attestation du général de division Tilly [« nous, général de division de l’armée des Côtes de Cherbourg, réunie à celle de l’Ouest pour combattre les brigands de la Vendée, certifions à qui il appartiendra que le bataillon de l’Aube, commandé par le citoyen Sergent, a eu une excellente conduite pendant toute la campagne ; qu’il s’est trouvé aux glorieuses affaires du Mans, de Savenay et de Machecoul, qu’à celle de Savenay notamment il a rendu les services les plus éclatants à la République » (déposition rédigée le 28 janvier 1794)].
Ce bataillon demande qu'il lui soit délivré une route pour retourner dans ses foyers, avec la faculté à tous les fonctionnaires publics, hommes mariés et antre non sujets à la réquisition, de se retirer, sauf aux jeunes gens de la première réquisition qui s'y trouvent à demeurer à la disposition du ministre; ou, si l'on veut conserver ce bataillon pour ce qui concerne les jeunes gens de la première réquisition qui s'y trouvent, l'envoyer en garnison à Troyes, où il se préparerait à la campagne prochaine.
Je vous propose, citoyens représentants, d'avoir égard à la demande de ces braves gens en ce qui concerne le retour du bataillon à Troyes, la faculté à tous ceux non sujets à réquisition de rentrer chez eux, à l'exception de ceux sujets à réquisition, qui seront à ma disposition pour être incorporés suivant la loi.
Je vous aurais peut-être proposé de conserver ce bataillon comme ancien cadre ayant fait la guerre, si aucun de ses membres n'eût demandé à le quitter, mais, réduit à ce qui peut se trouver de réquisition, il n'offrirait pas assez d'instruction.
Vous observerez que sa bonne conduite doit être mentionnée honorablement dans l’arrêté.»
Le Comité de salut public reçut favorablement la demande et rendait le jour même son avis en ces termes :
« Le Comité de salut public, considérant le zèle et la bonne conduite qu’a tenue le 6e bataillon de l’Aube contre les rebelles du Calvados et les brigands de la Vendée, où il s’est particulièrement distingué, tant aux affaires du Mans qu’à celles de Savenay et de Machecoul, ainsi qu’il paraît d’après l’attestation du général Tilly, ayant d’ailleurs honorablement justifié les motifs généreux auxquels est dur sa formation ; autorise le ministre de la Guerre à faire, sur sa proposition, passer le 6e bataillon de l’Aube à Troyes, et à se conformer à ses demandes en tout ce qui pourra se concilier avec les lois et la justice. »
Le 6 mars, près de huit mois après leur départ de Troyes pour l’Ouest, les volontaires des compagnies levées sous la mission Fouché étaient de retour.
Le Journal du département de l’Aube du 24 mars conta l’évènement :
« L'arrivée du 6e Bataillon de l'Aube, venant de la Vendée, annoncée depuis plusieurs jours, a attiré sur la route d'Estissac une foule innombrable de citoyens de la ville et des environs ; la sérénité de l'air rendait plus brillants les préparatifs faits pour les recevoir ; aussi rien n'a manqué à l'exécution du projet proposé par l'agent national de la commune. La compagnie d'artillerie avec les tambours précédait la marche ; ensuite s'avançaient plusieurs compagnies de la garde nationale, au milieu desquelles s'élevait un fanion surmonté de couronnes de laurier avec cette inscription : « Sixième Bataillon de l'Aube, tu as bien mérité de ton pays ». Suivaient un groupe des parents des arrivants, deux compagnies et le drapeau du Bataillon, le détachement de la montagne, 6 trophées sur lesquels étaient portés les médailles, le chapeau, le manteau du commissaire national commandant du Bataillon, ceux du cit. Mérat, juge ; du cit. Antoine, le chapeau du citoyen Mignot, officier municipal, capitaine d'une des compagnies ; les attributs du cit. Oudebert, professeur du collège et du cit. Chaperon, huissier de police, avec l'inscription sur chacun : « N... tu ne les a quittés que pour les dangers de la Patrie, la Patrie te les rend ». Suivaient les officiers municipaux, notables, membres du Département et du District : du milieu d'eux s'élevait une gerbe de laurier de 8 pieds de haut sur 5 de diamètre, et du centre un faisceau, surmontant la gerbe, de 6 pieds ; aux quatre coins de cette gerbe étaient quatre piques entrelacées de couronnes de laurier ; des compagnies de garde nationale avec diverses inscriptions ; la Société populaire en groupe, avec celle-ci : « Amis, vous avez su vaincre à la tribune et au champ de bataille ». Suivaient les dernières compagnies portant ces mots : « Qu'il est glorieux de bien servir la Patrie ». Arrivés à la demi-lune, près des Trois-Gâteaux, la réunion s'est faite après plusieurs décharges de part et d'autre. Les deux troupes formées en demi-cercle, les officiers municipaux ont décoré les cit. Sergent, Mignot, Mérat, etc., des signes respectifs dont la confiance de leurs citoyens les avait revêtus avant leur départ ; une couronne et une branche de laurier ont été attachées au drapeau du Bataillon ; chaque volontaire a partagé également les branches de laurier prises dans la gerbe. Les citoyens Tézenas-Delaporte et Massé, tous deux officiers municipaux, ont prononcé à la tribune, amenée à la demi-lune, un discours énergique sur les dangers qu'ont couru les volontaires de la Vendée, en combattant le fanatisme et l'erreur, et sur la reconnaissance que leur devait la patrie. Le citoyen Sergent a rendu compte des principales opérations du Bataillon depuis son départ, et a lu le rapport satisfaisant que le Comité de Salut public en avait fait le mois précédent. Après les embrassements des citoyens, le cortège est rentré dans les murs au milieu des cris de « Vive la République ! Vive le sixième bataillon de l'Aube ! »
Au même moment, les deux compagnies dénommées 4e bataillon et les canonniers étaient toujours en Vendée. Petit retour en arrière :
Contrairement au 6e bataillon, il ne semble pas que le 4e ait participé à la campagne d’outre-Loire. On le retrouve en effet au même moment au sein de la colonne du général Desmarres combattant dans les Mauges les rebelles de Pierre Cathelineau et de la Bouëre. Le 7 décembre, il était à Jallais où le jeune Bara tombait au feu. La légende du jeune garçon de Palaiseau ne sauva pas la tête de Desmarres. On retrouve d’ailleurs dans l’acte d’accusation du général (30 janvier 1794) deux références au bataillon de l’Aube :
« [coupable]
3e D’avoir, le 17 frimaire, près Jallais, où il commandait une colonne d’environ 1 500 hommes, donner l’ordre au citoyen Chaperon, commandant du bataillon de l’Aube, de se porter là où les brigands n’étaient pas ;
[…]
6e D’avoir dit à Chaperon, sur le désir qu’il lui témoignait d’aller attaquer les brigands, voyant l’ardeur des soldats républicains : « Je vois votre ambition : Délivrer Cholet, foutre ! … Je vous livrerai à la Commission militaire ! » et, sur les cris qui se faisaient entendre de toutes parts pour voler au combat, avoir répondu : « Croyez-vous que je veuille m’aller faire tuer ? »
Au mois de mars, le 4e bataillon et les canonniers de l’Aube se trouvaient à Nantes. Désirant être traités de la même manière que le 6e bataillon, ils adressaient le 24 de même mois une requête au Directoire de leur département afin d’obtenir le droit de quitter la Vendée et rejoindre leurs foyers. La demande fut sans suite, et un certain nombre de volontaires du 4e commença à abandonner le bataillon en prétendant appartenir au 6e. A ce sujet, Chaperon accusa en septembre le capitaine Deheurles (2e compagnie) d’être à l’origine des désertions. Je n’ai pas trouvé par la suite d’informations concernant la compagnie de canonniers. Celle-ci faisant partie du 6e bataillon et étant concernée directement par lé décision du Comité de salut public, on peut émettre l’hypothèse que son retour dans l’Aube fut finalement accepté.
Ce qui est sûr en revanche, c’est que le 4e bataillon resta en Vendée. Ainsi, début mai, le 4e de l’Aube luttait contre les rebelles du Marais. Voici le récit qu’en fit le lieutenant Léger-Cassin dans sa lettre adressée le 26 mai au Comité de surveillance de Troyes :
« Le 15 dernier [15 floréal, an 2 (4 mai 1794)], nous partîmes d'un village, nommé Riez, nous entrions aux Marais par trois colonnes [quatre colonnes participèrent en fait à l’opération, formant un total de 3 200 hommes], et nous formions précisément la colonne du centre, celle surtout qui devait attaquer et prendre le Perrier. Cette place paraissait très redoutable [Dutruy dans son rapport à Turreau (8 mai 1794) estimait les forces ennemies à 3 à 4 000 hommes], elle l'était effectivement, car de Riez au Perrier il n'y a qu'une lieue et nous avons été onze heures pour la faire. Cinquante fois au moins nous avons passé l'eau jusqu'à la ceinture, et nous nous sommes battu deux fois dans l'eau même avant d'arriver au Perrier. Enfin nous arrivâmes à la hauteur de cette place, et nous l'attaquâmes et la prîmes en moins d'un quart d'heure [les pertes bleues s’élevèrent à 60 hommes]. Le 18 [7 mai 1794], ils viennent encore nous attaquer croyant reprendre le Perrier, mais ils en furent repoussés, et j'ose vous dire sans vanité, que sans notre bataillon, le Perrier était repris. Je n'avance rien, la justice que nous a rendu le général même fait notre éloge. Nous ne connaissons point encore de retraite, encore moins de déroute. Nous sommes environnés de brigands, nous nous battons à toute heure et les chassons toujours. Que l'on ne dise plus qu'il n'y a plus de brigands dans la Vendée, car c'est ici où on ne peut nier leur existence.
Nous les méprisons infiniment et savons les exterminer. Travaillez de votre côté à votre ordinaire infatigable, et par là nous viendrons à bout de faire respecter les Lois Vive la République ! nous faisons passer à Nantes des convois de grains dont le Marais est rempli, et pour peu qu'il nous vienne de force nous écumerons sous peu le Marais.
Nous nous retranchons dans un état formidable. L'Ennemi nous redoute et nous saurons le détruire. »
Fin mai, le 4e cantonnait toujours à proximité du Perrier. Le 23 juillet, arrivant du Marais (j’ignore si l’unité a participé entre temps à d’autres marches), le bataillon entrait aux Sables.
En septembre, les volontaires de l’Aube tenaient toujours cette position, plus exactement le camp de la Chaume (refortifié en novembre dernier), que les brigands venaient de temps à autres inquiéter comme le montre cette lettre de Chaperon adressée aux administrateurs du département (26 septembre 1794) :
« [la guerre de Vendée] n'est pas encore finie, car ces scélérats de brigands ont attaqué mon camp. Nous avons été vainqueurs dans différents points ; mais ils nous ont fait bien du mal et ils en font tous les jours. Je ne sait, on s'est endormi sur cette malheureuse guerre, depuis un temps la Convention n'en a point parlé je ne connais pas cette politique mais moi qui voit, je puis vous assuré que la Vendée n'est point fini, il s'en faux de tout ; mais il faut espérer quelle finira bientôt. »
Même son de cloches, deux jours plus tard :
« Nos affaires de la Vendée ne vont pas de son mieux, les brigands nous ont le 2 courant pris un poste [il doit s’agir de l’opération blanche contre le camp de Saint-Christophe du Ligneron], ils ont brûlé les tentes, tué 200 hommes et plus, ils sont actuellement à 2 lieues au plus de mon poste. Depuis ce temps je ne me suis pas couché, ni la troupe, je me tiens sur mes gardes pour bien les recevoir, en cas qu'ils viennent ; voilà 5 postes qu'ils ont attaqué depuis un peu de temps où ils nous ont fait bien du mal. Nous avons perdu au moins deux cent hommes, je puis vous assuré que la Vendée n'est point finie elle l'est bien politiquement car jamais ses scélérats seront dans le cas de nous faire la loi, mais ils nous feront bien du mal, enfin il faut espérer que nous en finirons, ne rendez pas ma lettre public parce que les lâches qui ont quitté ne reviendraient pas et ça donnerait des inquiétudes aux femmes. »
Un an plus tard, au mois de juin 1795 (à cette date, la Vendée, en paix depuis février, était sur le point de sombrer à nouveau dans la guerre), les volontaires du 4e étaient toujours aux Sables. Ainsi, le 12, une chaloupe étant à la drague face à la Chaume sombra. Les cinq hommes d’équipages périrent ; parmi eux étaient deux volontaires de l’Aube.
Le 4e bataillon fut finalement incorporé dans le 1er bataillon de la formation d’Orléans, pour être incorporé le 28 juillet 1795, dans la 196e demi-brigade.
Le 2 juillet 1796, Chaperon obtenait sa retraite comme chef de bataillon.
Principale sources :
-Hennequin : Les volontaires de l’Aube en Vendée, Mémoires de la Société académique d'agriculture, des sciences, arts et belles-lettres du département de l'Aube
-Maitre, Les Volontaires troyens à l’armée républicaine de Vendée (1793), Annuaire de l’Aube
-Babeau, Histoire de Troyes pendant la Révolution
-Archives parlementaires
-Madelin, Fouché
-Collinet, Les Sables et la guerre de Vendée
-Chassin, Etudes documentaires sur le Révolution française
-Savary, Guerres de Vendéens et des Chouans
-Benaben, Correspondance
-Carnot, Correspondance
-Aulard, Recueil des actes du Comité de salut public
Ainsi éclairés ; suivant l’exemple de l’Hérault, et au regard de l’urgence posée par l’insurrection vendéenne, le département de l’Aube, le district et la municipalité de Troyes, le 12 mai, arrêtèrent en ces termes la levée d’un nouveau bataillon de volontaires :
« Article 1er. Il sera levé et organisé un bataillon de volontaires nationaux, composé de huit cents hommes, lequel, aussitôt son organisation, se portera au secours des départements de la Vendée, de la Loire-Inférieure et autres, que les malheurs de la guerre civile affligent.
Article 2. Ce Bataillon ne subsistera que jusqu'au jour où les troubles seront apaisés dans les départements et que les brigands les auront évacués, conformément à la loi du …
Article 3. Les citoyens en état de porter les armes dans l'étendue du département sont invités de s'inscrire pour former ce Bataillon.
Article 4. Les inscriptions seront reçues, pour la ville de Troyes, à l'administration du district, à la municipalité, dans les sections, qui nommeront à cet effet des commissaires, et à la Société populaire de ladite ville.
Article 5. Dans les autres endroits du département, ces inscriptions seront reçues au chef-lieu des districts et aux secrétariats des municipalités des chefs-lieux de canton.
Article 6. Les registres d'inscription ne seront ouverts que pendant cinq jours, à compter de celui de l'affiche et publication du présent arrêté. Ces cinq jours expirés, les registres seront fermés et les listes des inscrits seront directement et sur le champ adressées au directoire du département par un exprès.
Article 7. Aussitôt que les inscriptions seront faites, les hommes seront réunis au chef-lieu du département pour s'y organiser en bataillon, nommer leur état-major et autres officiers et se tenir prêts à partir à la première réquisition qui leur en sera faite.
Article 8. Chaque volontaire sera habillé, équipé et armé, et il recevra en outre, à l'instant de son départ, une somme de trois cents livres.
Article 9. Il recevra en outre 20 sous par jour, à compter de son inscription, qui ne lui seront payés que lorsqu'il aura été reçu du commissaire dont il sera parlé ci-après.
Article 10. Il sera fait un fonds de 200 000 livres pour les secours à donner aux pères, mères femmes et enfants des volontaires, pendant leur absence, et à compter du jour de leur départ.
Article 11. A mesure des inscriptions, les inscrits seront vus et visités, à Troyes, par le citoyen Bergerat et, dans les autres districts, par les officiers de santé que les directoires nommeront à l'effet de constater s'ils n'ont aucun défaut de conformation et s'ils sont en état de porter les armes.
Article 12. Ceux qui seront jugés en état de servir, seront présentés au citoyen Loncle, commissaire, que les corps administratifs nomment à cet effet ; lequel, après les avoir admis, les fera habiller, équiper et armer ainsi qu'il est dit en l'article 8 ci-dessus.
Article 13. Pour subvenir aux frais que cette levée occasionnera, il sera fait un emprunt forcé d'un million sur les riches du département.
Article 14. Le recouvrement de cette somme se fera sur le champ à la diligence des procureurs-syndics des districts, sous la surveillance du procureur-général-syndic ; les deniers seront remis dans les caisses des receveurs des districts, lesquels les reverseront sur le champ dans la caisse du receveur du district de Troyes.
Article 15. Cet emprunt forcé sera personnel et payable au lieu du domicile.
Article 16. Pour donner à cet emprunt le mode le plus prompt et le plus juste, il sera nommé pour la ville de Troyes, six commissaires dans chaque section, lesquels, réunis aux
corps administratifs, procureront les connaissances relatives à la masse des fortunes et des citoyens.
Article 17. A l'effet des dispositions ci-dessus, les sections s'assembleront demain matin et les commissaires nommés se réuniront aux corps administratifs le 14 de ce mois, aussi dans la matinée.
Article 18. Les administrateurs des districts demeurent spécialement chargés de prendre les mesures les plus promptes et les plus efficaces pour obtenir les mêmes renseignements sur les fortunes des citoyens domiciliés dans leurs districts respectifs.
Article 19. Ces renseignements seront envoyés au plus tard dans trois jours, au procureur-général-syndic du département.
Article 20. Pour parvenir à cet emprunt, il sera distrait des revenus présumés une somme de 1 500 livres, tant pour l'homme que pour la femme et 500 livres pour chaque enfant; le surplus de leur revenu présumé formera la base de l'emprunt dans des proportions progressives.
Article 21. Il sera distrait, pour l'homme veuf sans enfants ou pour le célibataire, 1 000 livres seulement ; et pour la femme veuve, aussi sans enfants, ou pour la célibataire, pareille somme de 1 000 livres, le surplus de leur revenu présumé sera sujet à l'emprunt.
Article 22. Le présent arrêté sera dans le jour de demain envoyé par des courriers extraordinaires dans les districts, lesquels les feront également parvenir sur-le-champ, par des exprès, aux communes de leurs arrondissements, pour y être lu, publié et affiché dans le jour de la réception, à l'effet de quoi les officiers municipaux seront tenus de faire assembler extraordinairement tous les citoyens, afin de leur en donner connaissance.
Article 23. Les procureurs-syndics des districts sont spécialement chargés de rendre compte, jour par jour, de l'exécution du présent arrêté, d'après celui qu'ils se feront rendre, aussi jour par jour, par les procureurs des communes.
Article 24 et dernier. Et sera le présent arrêté sur-le-champ adressé au Comité de Salut public de la Convention nationale et au Ministre de la Guerre [ledit arrêté fut d’ailleurs lu à la Convention lors de la séance du 19 mai]. »
Dans la même foulée, cette adresse fut envoyée à tous les districts et municipalités du département afin d’y être lue, publiée et affichée :
« Les corps administratifs du département de l'Aube, du district de Troyes et de la municipalité de ladite ville réunis,
A tous les citoyens du département, concitoyens, frères et amis,
La voix de la Patrie déchirée et sanglante parle au cœur de tous les Français. Souffrirons-nous que de nombreux rebelles, enhardis par des mesures ou faibles ou perfides, égarés par des monstres sanguinaires ou fanatiques, désolent plus longtemps les belles contrées où la liberté ne devrait avoir que des amis et des autels.
Les départements de la Vendée, de la Loire-Inférieure, d'Indre-et-Loire sont le malheureux théâtre de la guerre civile. Déjà ce torrent destructeur s'agrandit et répand ses ravages. Opposons à ses progrès le courage de la liberté et l'enthousiasme de la patrie; mais ne perdons pas un instant.
Frères et amis, chaque heure qui s'écoule va devenir un crime pour nous : nous serons comptables des malheurs de nos frères, et tout le sang patriote que nous laisserons répandre rejaillira un jour sur nos têtes coupables, et les marquera pour jamais d'un signe réprobateur.
Volons dans la Vendée; formons un bataillon intrépide, animé du saint amour de l'égalité, que des monstres veulent détruire.
Que de ce premier élan, il sorte rapidement de nos limites un bataillon bien organisé, bien équipé, bien armé; et surtout bien conduit ! S’il est nécessaire, notre amour pour la patrie n'en demeurera pas là. Mais hâtons-nous de recueillir le fruit de ce premier effort. Les bons patriotes qui voudront s'engager, recevront le juste prix de leur courage. Nous imiterons le civique exemple de nos frères de l'Hérault; nous imposerons les riches; leur or trop longtemps inutile, servira cette fois à la cause de l'égalité nous saurons l'employer à l'habillement, à l'équipement et à l'armement des braves vengeurs de la liberté.
N'en doutons pas, frères et amis, en nous réunissant aux nombreuses légions qui volent à la Vendée, les rebelles seront bientôt vaincus.
Un grand nombre peut-être n'est qu'égaré ; leurs exécrables chefs seront punis ; la liberté vengée et triomphante renaîtra du sang de ses perfides ennemis, et ses défenseurs reviendront bientôt dans leurs foyers jouir du prix de la victoire et des bienfaits de la patrie. »
Un mois plus tard, deux compagnies étaient rassemblées. Le 10 juin, eurent lieu les élections des cadres. Leurs compositions étaient les suivantes :
-1ère compagnie :
Capitaine : Hévrard
Lieutenant : Cassin
Sous-lieutenant : Le Blanc
1 sergent-major
2 sergents
3 caporaux
67 volontaires
-2ème compagnie :
Capitaine : Deheurles
Lieutenant : Favrot
Sous-lieutenant : Nayot
1 sergent-major : Serton
2 sergents : Coffinet, Constant
4 caporaux (Poulain, Rolin, Dubaune, Horiot)
1 tambour
66 volontaires
Le 11, les autorités locales remirent à chaque officier une épée et un hausse-col, et aux deux compagnies un oriflamme qui fut béni le lendemain par l’évêque et où l’on pouvait lire : « Maintien de la République une et indivisible. Guerre aux tyrans, aux anarchistes et aux brigands ». Le départ eut finalement lieu le 13. Les deux compagnies partirent ensuite pour Orléans ; ville qu’elles quittaient le 22 juin pour filer sur Tours, où elles entraient quatre jours plus tard. Elles étaient dirigées par Benoît Chaperon. Aux premières loges dès les premiers mouvements révolutionnaires de 1789, Chaperon, huissier de police ou juge de paix du quartier de Belfroy, avait été élu lieutenant des grenadiers du 4e bataillon de la garde nationale en mars 1792, et avait été envoyé dans les districts d’Arcis et de Nogent-sur-Seine comme commissaire à la levée du bataillon de grenadiers en août de la même année.
Dans le même temps, se poursuivait à Troyes la formation des compagnies complémentaires du bataillon sous la surveillance de Fouché. Ce dernier, suite à l’appel désespéré d’une députation de Nantes lancée le 22 juin à la Convention, avait été envoyé deux jours plus tard dans les départements de l’Ouest et du Centre afin d’opérer des levées devant marcher ensuite sur la Vendée. Il arriva à Troyes le 28 du même mois accompagné du représentant nantais, Pointel. Le jour même, le conseil général renouvelait son arrêté du 12 main et le lendemain, Fouché faisait publier cette proclamation aux habitants du département de l’Aube :
« Républicains,
Une nouvelle conspiration éclate de toutes parts contre la liberté; l'aristocratie et le fanatisme relèvent leurs têtes hideuses au milieu des débris du trône. Des hommes dont l'excès seul du délire peut égaler la scélératesse, ont conçu l'exécrable projet de déchirer la République pour s'en partager les lambeaux sanglants. La guerre civile, qui dévore les départements de l’ouest, est le sinistre résultat des machinations qu'ils méditaient avec Dumouriez et ses complices parricides.
Depuis six mois, la ville de Paris, dépositaire de votre liberté et de votre gloire, les surveillait avec constance ; elle les a dénoncés à la France entière ; son indignation a été longtemps contenue par le respect religieux qu'elle porte à la représentation nationale mais l'excès de l'oppression a brisé le ressort qui la comprimait ; une voix terrible s'est fait entendre du sein de cette immense cité; le tocsin et le canon d'alarme ont éveillé le patriotisme en annonçant que la liberté était en péril, qu'elle n'avait plus qu'un moment pour se sauver ; soudain les 48 sections ont été couvertes de fer, et transformées en une armée. Ce colosse redoutable est debout, il marche, s'avance, il va comme Hercule, parcourir la République pour y exterminer cette croisade féroce qui a juré la mort du peuple.
Généreux citoyens de l'Aube, un semblable exemple est propre à enflammer vos âmes, vous ne vous laisserez point surpasser en amour pour la patrie, vous combattrez pour elle avec la même ardeur. Entendez les cris des nombreux martyrs e la liberté, qui, en tombant sous les poignards des assassins, vous appellent à venger leur mort et à délivrer leurs femmes et leurs enfants. Eh ! s'il vous fallait, pour vous émouvoir, des considérations personnelles, songez que le despotisme devenant victorieux, vous n'échapperiez pas aux horreurs des supplices, même en consentant à vivre dans l'ignominie de l'esclavage.
La ville de Nantes, cette fière cité qui, la première osa renverser les institutions tyranniques dont elle était entourée, est aujourd’hui menacée de toutes les vengeances ; les brigands sont à ses portes ; les dangers ne peuvent être exagérés, elle sollicite votre appui, elle vous presse d'armer vos bras pour la secourir ; des délais pourraient amener une suite horrible de malheurs. N'en doutez pas, républicains, les nantais s'enseveliront plutôt sous les cendres de leur cité, que de souffrir qu'on leur remette les fers qu'ils ont brisés par les efforts de leur courage et le développement sublime de leur énergie.
Volez promptement à leur défense, allez recevoir dans leurs tendres embrassements, les touchants témoignages de leur gratitude, ce prix de votre dévouement suffira sans doute à vos coeurs mais la Convention nationale vous en doit un autre, elle veut assurer une honnête subsistance à vos familles, elle veut qu'elles soient honorées, qu'elles soient heureuses, c'est la plus chère de ses espérances.
La Constitution qu'elle vous présente est le garant qu'elles ne seront pas vaines. Bientôt sa morale douce et pure, deviendra le centre de toutes les affections, entraînera toutes les volontés, elle consommera par l'amour, une révolution que la justice populaire avait commencée par la terreur ! »
Le 30 juin, Fouché rédigeait le rapport suivant :
« A peine le sujet de ma mission a été connu, une souscription volontaire s'est formée; des administrateurs, des juges ont ouvert la liste, et un grand nombre de citoyens, de généreux sans-culottes se sont empressés de suivre cet exemple. Dans peu de jours, nous aurions l'espoir d'improviser un bataillon si les armes ne nous manquaient. Vous pouvez cependant bien compter sur 400 braves défenseurs, bien armés, bien équipés, et le plus grand nombre exercés aux manoeuvres militaires. Déjà 160 [les compagnies Deheurles et Hévrard] sont partis pour cette destination ; tous ont juré de ne revenir dans leurs foyers qu'après avoir exterminé les brigands de la Vendée. On peut en croire leurs serments, ce sont de vrais républicains qui ne savent pas reculer devant des royalistes.
Je vous envoie un exemplaire de la proclamation que j'ai fait publier et afficher. Je ne quitterai point cette ville que le bataillon ne soit formé et parti si mes trois autres collègues [Philippeaux, Esnue de la Vallée, Méaulle] obtiennent le même succès dans les départements où ils sont actuellement, nous aurons une nouvelle armée, qui vaudra bien celle qui est à Tours aujourd’hui. Le député extraordinaire de Nantes, qui m accompagne, se charge d'exercer lui-même tous les volontaires qui se présentent, de les former en compagnie, et de veiller à tout ce qui leur est utile pour leur prompt départ. »
Le 1er juillet, un grand rassemblement eut lieu afin de procéder aux inscriptions. Trois cents hommes (dont l’ensemble de la compagnie des canonniers de la garde nationale ; la nomination des cadres de cette unité s’effectua le 3 juillet) se portèrent volontaires, puis défilèrent dans la ville, musique en tête, jusqu’à la nuit afin d’inciter leurs concitoyens troyens à venir rejoindre leurs rangs.
Satisfait, Fouché écrivait à nouveau le 4 juillet :
« J'aurai la satisfaction de ne point quitter le département de l'Aube qu'un bataillon complet bien armé, bien équipé, ne soit parti pour la Vendue. Il s'exerce presque tous les jours et le 7 au plus tard il se mettra en marche. Ce bataillon ne sera pas le moins redoutable aux brigands; il a montré dans la formation une ardeur guerrière et des vertus républicaines ; on n'entend s'élever de son sein qu'un seul cri, celui de la vengeance contre les ennemis de la cause de la liberté ; qu'une seule inquiétude, celle pour les femmes et les enfants des volontaires. Elle est bien pardonnable, cette inquiétude dans un peuple longtemps trompé, toujours trahi, toujours à la merci do la puissance, de la ruse et de l’iniquité. Il reporte facilement la défiance contre le vieux régime sur celui de la République, il a de la peine à prendre une entière confiance aux promesses qui lui sont faites, et même en votre nom, et surtout au moment où les secours accordés ne peuvent être payée en entier. Les caisses sont presque vides, il est urgent que vous décrétiez les sommes nécessaires qui vous sont demandées dans la pétition que je vous envoie. »
La dernière doléance de Fouché sera satisfaite et la Convention décréta le 8 juillet une aide de 300 000 livres. A noter que le département de l’Aube en demandait le double, mais cette demande reçue le lendemain du décret précédemment évoqué fut rejetée par les députés.
Les affaires allèrent bon train, et le 7 juillet deux compagnies partaient pour la Vendée, comme l’indique la lettre écrite par Pointel le lendemain à ses collègues nantais :
« Chers Administrateurs,
Le départ des deux premières compagnies de Volontaires faisant ensemble 200 hommes, a eu lieu hier matin : un peuple nombreux, les administrateurs et nous, les avons conduits à une demie lieue de la Ville, aux cris de Vive la Liberté ! Vive la République ! La gaieté qui brillait sur tous les visages donnait à cette matinée un air de fête et si quelques larmes ont coulé, elles étaient un tribut à l'amour et celles de l'espérance.
La Compagnie des canonniers partira demain ; deux autres compagnies de 100 hommes vont encore se former en partie composées des recrues faites dans les différents districts de ce département ; elles seront prêtes à partir sous peu de jours, nous ne les attendrons cependant pas, mais nous en laissons le soin à un excellent Patriote de la Ville qui part avec eux et qui brûle du désir de combattre les rebelles.
Hier après midi, l'acte de constitution a été solennellement proclamé par toute la Ville, au bruit du Canon ; au son de toutes les cloches; au chant d'un Te Deum et aux Cris de vive la Montagne! La Ville a été illuminée.
Nous partons demain pour Dijon; veuillez bien m'y adresser une réponse et dites moi si vous avez reçu mes deux premières.
Je brûle de savoir des nouvelles de Nantes, et je ne serai tranquille sur son sort, que lorsque vous m'aurez écrit vous mêmes. »
Les 3e et 4e compagnies ici évoquées étaient placées sous le commandement des capitaines Mignot et Catigny ; celle des canonniers sous celui de Lefebvre.
Finalement, Pointel et Fouché restèrent encore quelques jours à Troyes et ce ne furent pas deux mais trois autres compagnies que l’on leva (capitaines Sergent, Bouillerot, Groussel). Celles-ci quittèrent Troyes le 16 juillet.
A cette occasion, Pointel rédigea ce rapport :
« Par ma dernière en date du 6 courant, je vous marquais notre projet de départ pour Dijon; diverses circonstances en ont autrement décidé : l'espoir d'organiser encore plusieurs compagnies et l'indispensable nécessité d'être présent à leur formation. Nous n'avons point été trompés dans notre attente et nous avons utilement employé notre temps. Trois superbes compagnies, au delà de leur complet, sont parties hier au soir, aux cris de : Vive la République. Nous les avons ainsi que les 3 premières accompagnées à une certaine distance de la Ville. J'avais l'honneur de les commander, après avoir contribué de mon mieux à leur formation. Il est impossible de vous peindre la bonne volonté et le patriotisme des Troyens.
Si nous avions des armes, nous pourrions lever encore aisément mille hommes. »
Fouché, deux jours plus tôt, avait écrit cette lettre ; il s’agissait de sa dernière missive concernant sa mission à Troyes ; lui et Pointel devaient quitter la ville le 17 au soir pour filer sur Nevers :
« C'est ici le moment de relever une contradiction frappante : les citoyens du département de l’Aube sont tous prêts à marcher contre les ennemis de la Constitution, et cependant le contingent pour le premier recrutement n'est pas encore au complet. Ce n'est pas la faute des citoyens, mais bien le résultat du système des messieurs qui ont été nommés par le pouvoir exécutif pour cette mission pour se perpétuer dans le droit de consommer à leur profit les finances de la République.
J’ai quelque droit de leur adresser des reproches, lorsque en moins de quinze jours, j'ai pu lever un bataillon, l'équiper, l’habiller, l’armer et le faire partir pour sa destination. En vain, on l’on dira que j’ai offert des gratifications. Toute la ville de Troyes a vu le dévouement de ses citoyens. Après avoir été moi-même, précédé des tambours, dans toutes les places de cette cité, à la porte de tous les ateliers, faire entendre la voix de la patrie en danger ; le lieu désigné pour le rassemblement fut en un moment couvert d'hommes de tout âge qui ne firent entendre qu'une même volonté : celle de s'armer et de partir sur-le-champ. Le bataillon que je voulais lever, porté au complet, je fus obligé de renvoyer à leurs travaux plus de 1 500 jeunes gens. L’un d’eux, qui avait à peine 16 ans, s’élance vers moi en me conjurant de lui permettre d'entrer dans les rangs de ceux qui partirent : « Si je ne suis pas assez fort, dit-il, j'ai du courage, j'épierai la marche de l’ennemi, je vous apporterai son secret ; si je péris en arrivant au camp, faites-moi servir de bourre à un canon, mes os ne sont pas si mous qu'ils ne puissent porter la mort aux ennemis. » J'aurais des milliers de traits de cette espèce à vous rapporter si vous en aviez besoin pour vous assurer que le département de l'Aube est digne de défendre la Constitution républicaine que vous lui offrez. »
Finalement les six dernières compagnies ne rejoignirent leurs homologues à Tours. A Montargis, le 10 juillet, les volontaires de l’Aube furent avertis qu’un ordre du ministre de la Guerre, Bouchotte, en date du 8 juillet, les dirigeait sur la Normandie afin de lutter contre l’insurrection fédéraliste qui venait d’y éclater.
Le 21, les Aubois se trouvaient à Mantes, et le 5 septembre à Evreux, alors que la révolte fédéraliste était déjà matée. Les cinq compagnies de fusiliers et celle des canonniers y étaient placées sous le commandement du capitaine Sergent. Elles y prirent le titre de 6e bataillon de l’Aube et restèrent finalement en Normandie.
De leur côté, les deux compagnies placées à Tours dans la vaine attente d’être complétées avaient pris la dénomination de 4e bataillon. A noter que le numéro 5 avait été à l’origine destiné au bataillon de grenadiers levé en août 1792 sur ordre de Biron. Les volontaires de cette unité furent finalement maintenus provisoirement sur place, avant d’être compris dans la levée en masse de février 1793.
Se rapprochant du théâtre d’opération, mais toujours en position de réserve, les deux compagnies de Chaperon cantonnaient à la mi-octobre à Saint-Hilaire-Saint-Florent, aux portes de Saumur.
Si le 6e bataillon ne fut pas dirigée sur la Vendée, il combattit pourtant bien les insurgés. Incorporés à l’armée des côtes de Cherbourg du général Tilly, les volontaires de l’Aube cantonnés alors en Normandie participèrent à la poursuite de l’armée catholique et royale lors de la campagne d’outre-Loire. Au sein de la 2e brigade du général Dhalancourt (31e régiment d’Aunis, 33e division de gendarmerie, 2e bataillon de Paris), nous les retrouvons notamment aux boucheries du Mans et de Savenay, où ils eurent les honneurs des rapports des représentants Turreau, Prieur de la Marne et Bouchotte :
« Les bataillons de l’Aube, de la Dordogne et généralement tous ceux aux ordres du général Tilly, et dont nous n’avons pas encore pu nous procurer les noms, se sont disputé d’audace et d’intrépidité ; chaque soldat était un héros dans ces légions britanniques. » (soir de la bataille du Mans, 13 décembre 1793)
« Le 6e bataillon des volontaires de l’Aube, les 6e et 31e régiments, ci-devant Aunis et Armagnac, ont conservé la réputation qu’ils s’étaient acquises au Mans. » (soir de la bataille de Savenay, 23 décembre 1793)
Suite à l’anéantissement de l’armée rebelle, le 6e bataillon de l’Aube alla cantonner à Nantes pour quelques jours avant de recevoir, le 28 décembre, l’ordre de passer (enfin) en Vendée, afin marcher sur Port-Saint-Père. Si le bataillon s’était fort bien comporté lors de la dernière campagne, le cœur n’y était à présent plus vraiment. Le commissaire du Maine-et-Loire, Benaben, rapporta en ces termes, à Vial, procureur général-syndic du département, les circonstances de la marche en question :
« Les soldats reculent pour marcher en avant ; on avait donné l’ordre à la division Tilly de se porter toute entière sur Port-Saint-Père. Il ne s’en est présenté que la moitié au moment de partir. Je n’ai pas vu un seul gendarme de la 33e division ; tout le bataillon de l’Aube qui s’était d’abord rassembler dans le quartier de la Fosse où était ses logements, refusa net de marcher, à l’exception d’un commandant et d’un caporal ; il est vrai que ces malheureux sont sans souliers et n’ont que des guenilles pour se couvrir, mais cela ne suffit pas pour leur faire refuser d’obéir. Carpentier leur a enlevé leur drapeau et les a fait placer au milieu de la colonne. »
Une pâle conduite que le bataillon fit oublier cinq jours plus tard lors de la reprise de Machecoul.
La division Carpentier, sur ordre d’Haxo, avait en effet quitté Port-Saint-Père pour Machecoul le 29 décembre. Le 31, suite au départ des Bleus, Charette s’était emparé de la petite ville bien faiblement défendue par un petit poste. Rendu à Challans, Carpentier contre-attaqua alors le 2 janvier et reprit la ville aux rebelles, qui furent à nouveau repoussés le lendemain.
Néanmoins, la volonté de quitter le théâtre d’opération vendéen était bien réelle. Ainsi, le 1er février 1794, Bouchotte écrivait cette lettre au Comité de salut public :
« Citoyens représentants,
Le 6e bataillon de l'Aube, qui faisait partie de l'année des. Côtes de Cherbourg, doit sa naissance à l'élan du républicanisme qui enflamma les patriotes de ce département lors des progrès alarmants des brigands de la Vendée. Ce bataillon, qui compte parmi ses membres un grand nombre de pères de famille et des fonctionnaires publics, a vraiment justifié les motifs généreux auxquels est due sa formation. Après avoir contribué à la réduction des rebelles du Calvados, il s'est mesuré avec gloire et succès contre les rebelles de la Vendée et s'est entre autres distingué dans les affaires du Mans, de Savenay et de Machecoul, suivant l'attestation du général de division Tilly [« nous, général de division de l’armée des Côtes de Cherbourg, réunie à celle de l’Ouest pour combattre les brigands de la Vendée, certifions à qui il appartiendra que le bataillon de l’Aube, commandé par le citoyen Sergent, a eu une excellente conduite pendant toute la campagne ; qu’il s’est trouvé aux glorieuses affaires du Mans, de Savenay et de Machecoul, qu’à celle de Savenay notamment il a rendu les services les plus éclatants à la République » (déposition rédigée le 28 janvier 1794)].
Ce bataillon demande qu'il lui soit délivré une route pour retourner dans ses foyers, avec la faculté à tous les fonctionnaires publics, hommes mariés et antre non sujets à la réquisition, de se retirer, sauf aux jeunes gens de la première réquisition qui s'y trouvent à demeurer à la disposition du ministre; ou, si l'on veut conserver ce bataillon pour ce qui concerne les jeunes gens de la première réquisition qui s'y trouvent, l'envoyer en garnison à Troyes, où il se préparerait à la campagne prochaine.
Je vous propose, citoyens représentants, d'avoir égard à la demande de ces braves gens en ce qui concerne le retour du bataillon à Troyes, la faculté à tous ceux non sujets à réquisition de rentrer chez eux, à l'exception de ceux sujets à réquisition, qui seront à ma disposition pour être incorporés suivant la loi.
Je vous aurais peut-être proposé de conserver ce bataillon comme ancien cadre ayant fait la guerre, si aucun de ses membres n'eût demandé à le quitter, mais, réduit à ce qui peut se trouver de réquisition, il n'offrirait pas assez d'instruction.
Vous observerez que sa bonne conduite doit être mentionnée honorablement dans l’arrêté.»
Le Comité de salut public reçut favorablement la demande et rendait le jour même son avis en ces termes :
« Le Comité de salut public, considérant le zèle et la bonne conduite qu’a tenue le 6e bataillon de l’Aube contre les rebelles du Calvados et les brigands de la Vendée, où il s’est particulièrement distingué, tant aux affaires du Mans qu’à celles de Savenay et de Machecoul, ainsi qu’il paraît d’après l’attestation du général Tilly, ayant d’ailleurs honorablement justifié les motifs généreux auxquels est dur sa formation ; autorise le ministre de la Guerre à faire, sur sa proposition, passer le 6e bataillon de l’Aube à Troyes, et à se conformer à ses demandes en tout ce qui pourra se concilier avec les lois et la justice. »
Le 6 mars, près de huit mois après leur départ de Troyes pour l’Ouest, les volontaires des compagnies levées sous la mission Fouché étaient de retour.
Le Journal du département de l’Aube du 24 mars conta l’évènement :
« L'arrivée du 6e Bataillon de l'Aube, venant de la Vendée, annoncée depuis plusieurs jours, a attiré sur la route d'Estissac une foule innombrable de citoyens de la ville et des environs ; la sérénité de l'air rendait plus brillants les préparatifs faits pour les recevoir ; aussi rien n'a manqué à l'exécution du projet proposé par l'agent national de la commune. La compagnie d'artillerie avec les tambours précédait la marche ; ensuite s'avançaient plusieurs compagnies de la garde nationale, au milieu desquelles s'élevait un fanion surmonté de couronnes de laurier avec cette inscription : « Sixième Bataillon de l'Aube, tu as bien mérité de ton pays ». Suivaient un groupe des parents des arrivants, deux compagnies et le drapeau du Bataillon, le détachement de la montagne, 6 trophées sur lesquels étaient portés les médailles, le chapeau, le manteau du commissaire national commandant du Bataillon, ceux du cit. Mérat, juge ; du cit. Antoine, le chapeau du citoyen Mignot, officier municipal, capitaine d'une des compagnies ; les attributs du cit. Oudebert, professeur du collège et du cit. Chaperon, huissier de police, avec l'inscription sur chacun : « N... tu ne les a quittés que pour les dangers de la Patrie, la Patrie te les rend ». Suivaient les officiers municipaux, notables, membres du Département et du District : du milieu d'eux s'élevait une gerbe de laurier de 8 pieds de haut sur 5 de diamètre, et du centre un faisceau, surmontant la gerbe, de 6 pieds ; aux quatre coins de cette gerbe étaient quatre piques entrelacées de couronnes de laurier ; des compagnies de garde nationale avec diverses inscriptions ; la Société populaire en groupe, avec celle-ci : « Amis, vous avez su vaincre à la tribune et au champ de bataille ». Suivaient les dernières compagnies portant ces mots : « Qu'il est glorieux de bien servir la Patrie ». Arrivés à la demi-lune, près des Trois-Gâteaux, la réunion s'est faite après plusieurs décharges de part et d'autre. Les deux troupes formées en demi-cercle, les officiers municipaux ont décoré les cit. Sergent, Mignot, Mérat, etc., des signes respectifs dont la confiance de leurs citoyens les avait revêtus avant leur départ ; une couronne et une branche de laurier ont été attachées au drapeau du Bataillon ; chaque volontaire a partagé également les branches de laurier prises dans la gerbe. Les citoyens Tézenas-Delaporte et Massé, tous deux officiers municipaux, ont prononcé à la tribune, amenée à la demi-lune, un discours énergique sur les dangers qu'ont couru les volontaires de la Vendée, en combattant le fanatisme et l'erreur, et sur la reconnaissance que leur devait la patrie. Le citoyen Sergent a rendu compte des principales opérations du Bataillon depuis son départ, et a lu le rapport satisfaisant que le Comité de Salut public en avait fait le mois précédent. Après les embrassements des citoyens, le cortège est rentré dans les murs au milieu des cris de « Vive la République ! Vive le sixième bataillon de l'Aube ! »
Au même moment, les deux compagnies dénommées 4e bataillon et les canonniers étaient toujours en Vendée. Petit retour en arrière :
Contrairement au 6e bataillon, il ne semble pas que le 4e ait participé à la campagne d’outre-Loire. On le retrouve en effet au même moment au sein de la colonne du général Desmarres combattant dans les Mauges les rebelles de Pierre Cathelineau et de la Bouëre. Le 7 décembre, il était à Jallais où le jeune Bara tombait au feu. La légende du jeune garçon de Palaiseau ne sauva pas la tête de Desmarres. On retrouve d’ailleurs dans l’acte d’accusation du général (30 janvier 1794) deux références au bataillon de l’Aube :
« [coupable]
3e D’avoir, le 17 frimaire, près Jallais, où il commandait une colonne d’environ 1 500 hommes, donner l’ordre au citoyen Chaperon, commandant du bataillon de l’Aube, de se porter là où les brigands n’étaient pas ;
[…]
6e D’avoir dit à Chaperon, sur le désir qu’il lui témoignait d’aller attaquer les brigands, voyant l’ardeur des soldats républicains : « Je vois votre ambition : Délivrer Cholet, foutre ! … Je vous livrerai à la Commission militaire ! » et, sur les cris qui se faisaient entendre de toutes parts pour voler au combat, avoir répondu : « Croyez-vous que je veuille m’aller faire tuer ? »
Au mois de mars, le 4e bataillon et les canonniers de l’Aube se trouvaient à Nantes. Désirant être traités de la même manière que le 6e bataillon, ils adressaient le 24 de même mois une requête au Directoire de leur département afin d’obtenir le droit de quitter la Vendée et rejoindre leurs foyers. La demande fut sans suite, et un certain nombre de volontaires du 4e commença à abandonner le bataillon en prétendant appartenir au 6e. A ce sujet, Chaperon accusa en septembre le capitaine Deheurles (2e compagnie) d’être à l’origine des désertions. Je n’ai pas trouvé par la suite d’informations concernant la compagnie de canonniers. Celle-ci faisant partie du 6e bataillon et étant concernée directement par lé décision du Comité de salut public, on peut émettre l’hypothèse que son retour dans l’Aube fut finalement accepté.
Ce qui est sûr en revanche, c’est que le 4e bataillon resta en Vendée. Ainsi, début mai, le 4e de l’Aube luttait contre les rebelles du Marais. Voici le récit qu’en fit le lieutenant Léger-Cassin dans sa lettre adressée le 26 mai au Comité de surveillance de Troyes :
« Le 15 dernier [15 floréal, an 2 (4 mai 1794)], nous partîmes d'un village, nommé Riez, nous entrions aux Marais par trois colonnes [quatre colonnes participèrent en fait à l’opération, formant un total de 3 200 hommes], et nous formions précisément la colonne du centre, celle surtout qui devait attaquer et prendre le Perrier. Cette place paraissait très redoutable [Dutruy dans son rapport à Turreau (8 mai 1794) estimait les forces ennemies à 3 à 4 000 hommes], elle l'était effectivement, car de Riez au Perrier il n'y a qu'une lieue et nous avons été onze heures pour la faire. Cinquante fois au moins nous avons passé l'eau jusqu'à la ceinture, et nous nous sommes battu deux fois dans l'eau même avant d'arriver au Perrier. Enfin nous arrivâmes à la hauteur de cette place, et nous l'attaquâmes et la prîmes en moins d'un quart d'heure [les pertes bleues s’élevèrent à 60 hommes]. Le 18 [7 mai 1794], ils viennent encore nous attaquer croyant reprendre le Perrier, mais ils en furent repoussés, et j'ose vous dire sans vanité, que sans notre bataillon, le Perrier était repris. Je n'avance rien, la justice que nous a rendu le général même fait notre éloge. Nous ne connaissons point encore de retraite, encore moins de déroute. Nous sommes environnés de brigands, nous nous battons à toute heure et les chassons toujours. Que l'on ne dise plus qu'il n'y a plus de brigands dans la Vendée, car c'est ici où on ne peut nier leur existence.
Nous les méprisons infiniment et savons les exterminer. Travaillez de votre côté à votre ordinaire infatigable, et par là nous viendrons à bout de faire respecter les Lois Vive la République ! nous faisons passer à Nantes des convois de grains dont le Marais est rempli, et pour peu qu'il nous vienne de force nous écumerons sous peu le Marais.
Nous nous retranchons dans un état formidable. L'Ennemi nous redoute et nous saurons le détruire. »
Fin mai, le 4e cantonnait toujours à proximité du Perrier. Le 23 juillet, arrivant du Marais (j’ignore si l’unité a participé entre temps à d’autres marches), le bataillon entrait aux Sables.
En septembre, les volontaires de l’Aube tenaient toujours cette position, plus exactement le camp de la Chaume (refortifié en novembre dernier), que les brigands venaient de temps à autres inquiéter comme le montre cette lettre de Chaperon adressée aux administrateurs du département (26 septembre 1794) :
« [la guerre de Vendée] n'est pas encore finie, car ces scélérats de brigands ont attaqué mon camp. Nous avons été vainqueurs dans différents points ; mais ils nous ont fait bien du mal et ils en font tous les jours. Je ne sait, on s'est endormi sur cette malheureuse guerre, depuis un temps la Convention n'en a point parlé je ne connais pas cette politique mais moi qui voit, je puis vous assuré que la Vendée n'est point fini, il s'en faux de tout ; mais il faut espérer quelle finira bientôt. »
Même son de cloches, deux jours plus tard :
« Nos affaires de la Vendée ne vont pas de son mieux, les brigands nous ont le 2 courant pris un poste [il doit s’agir de l’opération blanche contre le camp de Saint-Christophe du Ligneron], ils ont brûlé les tentes, tué 200 hommes et plus, ils sont actuellement à 2 lieues au plus de mon poste. Depuis ce temps je ne me suis pas couché, ni la troupe, je me tiens sur mes gardes pour bien les recevoir, en cas qu'ils viennent ; voilà 5 postes qu'ils ont attaqué depuis un peu de temps où ils nous ont fait bien du mal. Nous avons perdu au moins deux cent hommes, je puis vous assuré que la Vendée n'est point finie elle l'est bien politiquement car jamais ses scélérats seront dans le cas de nous faire la loi, mais ils nous feront bien du mal, enfin il faut espérer que nous en finirons, ne rendez pas ma lettre public parce que les lâches qui ont quitté ne reviendraient pas et ça donnerait des inquiétudes aux femmes. »
Un an plus tard, au mois de juin 1795 (à cette date, la Vendée, en paix depuis février, était sur le point de sombrer à nouveau dans la guerre), les volontaires du 4e étaient toujours aux Sables. Ainsi, le 12, une chaloupe étant à la drague face à la Chaume sombra. Les cinq hommes d’équipages périrent ; parmi eux étaient deux volontaires de l’Aube.
Le 4e bataillon fut finalement incorporé dans le 1er bataillon de la formation d’Orléans, pour être incorporé le 28 juillet 1795, dans la 196e demi-brigade.
Le 2 juillet 1796, Chaperon obtenait sa retraite comme chef de bataillon.
Principale sources :
-Hennequin : Les volontaires de l’Aube en Vendée, Mémoires de la Société académique d'agriculture, des sciences, arts et belles-lettres du département de l'Aube
-Maitre, Les Volontaires troyens à l’armée républicaine de Vendée (1793), Annuaire de l’Aube
-Babeau, Histoire de Troyes pendant la Révolution
-Archives parlementaires
-Madelin, Fouché
-Collinet, Les Sables et la guerre de Vendée
-Chassin, Etudes documentaires sur le Révolution française
-Savary, Guerres de Vendéens et des Chouans
-Benaben, Correspondance
-Carnot, Correspondance
-Aulard, Recueil des actes du Comité de salut public
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Autres unités du département de l'Aube, bataillons de réquisitions, bataillon auxiliaire, compagnie de grenadiers, à savoir qu'il y avait aussi au moins une unité de canonniers qui partit pour la Vendée et dont nous ne savons presque rien.
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Inventaire général des unités du département de l'Aube
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Une anecdote sur le 4e bataillon de l'Aube
Ce bataillon est en Vendée à l'automne 1793, plus précisemment en Anjou, entre le petit pays angevin et les Mauges. Il ne participe pas aux combats et aux massacres de la virée de Galerne.
Dans la soirée du 23 au 24 octobre 1793, le bataillon, à l'"armèe de l'ouest", bivouaque à Mozé, au château de la Crossonnière, à une lieue et demie au sud de la Loire, sous Angers ; là les hommes du lieutenant-colonel Bourgeois avaient le 22 juillet 1793 défait un parti de rebelles angevins de l'armée de Bonchamp, faisant une centaine de morts, et incendiant en partie les bâtiments du château puis le nord du bourg de Mozé (Mozé-sur-Louet). Le 26 juillet 1793, ces mêmes troupes républicaines étaient chassées de Mûrs par les "vendéens" dans des conditions si rocambolesques que personne n'a voulu les comprendre, et qui ont débouché sur le mythe de la roche de Mûrs...
Bref, ce soir du 23 octobre, le commandant du bataillon, B. Chaperon, s'installe "au bivouaq", distribue les postes et arrête dans les jardins du château un homme suspect de la commune voisine de Saint-Melaine qu'il interroge, et qu'un citoyen zélé de Juigné envoie au comité révolutionnaire d'Angers, en clair, il le condamne à mort.
Le commandant du bataillon précise dans son courrier qui accompagne le détenu : " je désirois que vous m'indiquassiez la marche que j'ay à tenir à son sujet." On notera que ce soldat agit dans les règles, qu'il attend les ordres, qu'il ne se permet pas d'exécution sommaire.
Les choses, hélas pour la population locale, vont très vite changer... Le lendemain, une colonne républicaine dirigée par Vial, le maire de Chalonnes, qui avait organisé la levée en masse en septembre au sud d'Angers, et commandée par le général Moulin le jeune, passe à Mozé et y commet plusieurs exécutions sommaires, comme en répétition de ce qui se déroulera avec sa colonne dite infernale trois mois plus tard.... Mais c'est un autre sujet.
Source : Archives départementales de Maine-et-Loire, cote 1 L 1099, folio 151.
Dans la soirée du 23 au 24 octobre 1793, le bataillon, à l'"armèe de l'ouest", bivouaque à Mozé, au château de la Crossonnière, à une lieue et demie au sud de la Loire, sous Angers ; là les hommes du lieutenant-colonel Bourgeois avaient le 22 juillet 1793 défait un parti de rebelles angevins de l'armée de Bonchamp, faisant une centaine de morts, et incendiant en partie les bâtiments du château puis le nord du bourg de Mozé (Mozé-sur-Louet). Le 26 juillet 1793, ces mêmes troupes républicaines étaient chassées de Mûrs par les "vendéens" dans des conditions si rocambolesques que personne n'a voulu les comprendre, et qui ont débouché sur le mythe de la roche de Mûrs...
Bref, ce soir du 23 octobre, le commandant du bataillon, B. Chaperon, s'installe "au bivouaq", distribue les postes et arrête dans les jardins du château un homme suspect de la commune voisine de Saint-Melaine qu'il interroge, et qu'un citoyen zélé de Juigné envoie au comité révolutionnaire d'Angers, en clair, il le condamne à mort.
Le commandant du bataillon précise dans son courrier qui accompagne le détenu : " je désirois que vous m'indiquassiez la marche que j'ay à tenir à son sujet." On notera que ce soldat agit dans les règles, qu'il attend les ordres, qu'il ne se permet pas d'exécution sommaire.
Les choses, hélas pour la population locale, vont très vite changer... Le lendemain, une colonne républicaine dirigée par Vial, le maire de Chalonnes, qui avait organisé la levée en masse en septembre au sud d'Angers, et commandée par le général Moulin le jeune, passe à Mozé et y commet plusieurs exécutions sommaires, comme en répétition de ce qui se déroulera avec sa colonne dite infernale trois mois plus tard.... Mais c'est un autre sujet.
Source : Archives départementales de Maine-et-Loire, cote 1 L 1099, folio 151.
artemus- determinatio
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Re: Aube volontaires
merci Artemus je majore la fiche !!!
Laurent- inceptio
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