Les hussards tolpaches de la Légion de Mirabeau

voici un beau dessin de Grouvel sur les hussards de Toplach

Quelle est cette unité dont je n'ai jamais entendu parler Jérôme ?

j'allais poser la même question ...

le chapeau fait très "cosaque" ou "polonais" en tout cas, l'image est très belle, cela m'intrigue beaucoup !

On doit aux guerres "exotiques" du XVIIIème s. un certain nombre d'emprunts vestimentaires liés soit à une pièce d'uniforme, à un vêtement ou encore à un type d'unité. Outre les cravates que nous devons aux premiers hussards croates, sous Louis XIV, nous avons emprunté aux hussards hongrois leur "shako" (aussi désigné comme "mirliton") puis leur colback (du turc "kalpak"), très usité dès la veille de la Révolution. S'il est vrai que son usage se répandit très largement dans les troupes à cheval au retour de l'expédition d'Egypte (au sein des chasseurs à cheval de la Garde consulaire, des guides, puis de l'artillerie à cheval et des hussards...), il était porté dès la fin du règne de Louis XVI par les officiers supérieurs des régiments de hussards ; il était toléré pour les officiers subalternes en tenue de sortie comme l'indique un tableau d'époque représentant deux officiers du 3e Hussards assistant à la Fête de la Fédération de 1790.
Les Tolpaks sont à l'origine des troupes de cavaliers irréguliers hongrois levés pour renforcer les troupes des frontières, ce qui signifie qu'ils ne portaient pas d'uniforme réglementaire. Il n'existe à ma connaissance que deux cas de "hussards tolpaches" cités dans le Grouvel. Les plus connus sont ceux de la Légion de Mirabeau, entre 1792 et 1795. A l'origine, la cavalerie de la légion de Mirabeau était composée de 3 escadrons: 1 compagnie de hussards (type Ancien Régime avec mirliton, uniforme connu par deux gravures d'époque réalisées du vivant du vicomte de Mirabeau) + uhlans, 2 compagnies de volontaires (volontaires de la générale et volontaires à cheval) et enfin 2 compagnies de chasseurs à cheval. Chaque escadron était donc composé de 2 compagnies de 50 hommes. On appelait "hussards tolpaches" les Volontaires de la cie générale des Volontaires ; leur uniforme ressemblait à celui des hussards mais ils portaient une coiffure constituée d'un bonnet de feutre recouvert d'un bandeau de fourrure (en renard pour les officiers) et portant une flamme. Certaines illustrations représentent ces hussards tolpaches aussi armés de la lance, ce qui serait possible après la disparition des uhlans.
Lorsque le comte Roger de Damas racheta la Légion de Mirabeau à l'été 1795, il en simplifia la composition et ramena la cavalerie à un seul corps de 400 hussards (revêtus du même uniforme) dans lesquels on distingua, comme pour d'autres corps, les hussards nobles des hussards soldés.
L'autre cas beaucoup moins connu car ne faisant l'objet que d'une mention par Grouvel est celui des hussards de Rohan. Dans un prochain article à paraître cet été dans les Carnets de La Sabretache, j'expliquerai cette appellation. Il ne s'agit pas ici du régiment de hussards levés en 1794 à la solde britannique (uniforme bleu) mais de ceux levés dès 1793 par le cardinal de Rohan et confiés à son neveu le prince Louis de Rohan. Grâce au témoignage d'un émigré liégeois, passé du régiment Royal Liégeois à ce corps en 1795, avec 70 cavaliers tirés des Gendarmes du Prince-évêque de Liège, nous connaissons bien cet uniforme conçu par le prince lui-même d'après les atours d'une dame rencontrée à un bal à Vienne...
Ses cavaliers, alors rattachés à l'armée de Condé ce qui est généralement ignoré - purent donc être désignés comme "hussards tolpaches" jusqu'en janvier 1795 ; à cette date, le corps passa à la solde du duc de Brunswick qui devait fournir un contingent au titre de sa contribution à l'Empire d'Allemagne (dont le chef était alors l'empereur d'Autriche), suite au retrait des Prussiens de la coalition (il en est alors de même pour les Chasseurs de Bussy levés comme contribution du roi de Danemark au titre du duché de Schleswig-Holstein). Le corps prit alors le nom de "Chasseurs de Rohan-Brunswick", jusqu'en mai 1797, époque à laquelle il fut réorganisé, rééquipé (alors revêtu de l'uniforme des hussards de Blankenstein), et réarmé selon le règlement autrichien. C'est à cette époque que le corps reprit son nom de "hussards de Rohan" (les deux régimenyts levés à la solde anglais avaient alors été dissouts).
Si notre camarade de Thumery pouvait nous offrir la planche représentant ces chasseurs de Rohan (j'en ai fait faire une copie ensuite peinte par André Jouineau), on y remarquera les deux uniformes successifs, celui porté par l'officier, au centre, pouvant être qualifié de "hussard tolpahce" de Rohan (1793-1795).

merci Hugues de ce texte, c'est un régal

pour le coup de colback, on le retrouve aussi sous la Révolution dans certains régiments de hussards volontaires comme le futur 12e et le futur 9e

voici une autre représentation d'un Tolpach Hussard

http://assosehri.monespace.net/hussards/page229.html

Merci Jérôme pour cette illustration que je connais mais je doute qu'elle représente un cavalier en 1796. A la différence du précédent dessin, il s'agirait d'un volontaire noble dont la seule distinction était marquée par le brassard (une seule fleur de lys pour les roturiers et les trompettes). On peut ajouter que le tolpak finit par désigner un type de coiffure en fourrure porté par les troupes hongroises et que les Français s'approprièrent sous le Second Empire (chasseurs à cheval).

alors voila ce que j'ai dans Grouvel sur les Hussards/chasseurs de Rohan





en prime la planche sur les Mirabeau avec le Hussard Talpache



PS : moi c'est Thury pas Thumery :mdrr:

et j'ai aussi des scans des articles de P Courcelle sur quelques troupes émigrées parus dans Tradition magazine ...

La trace la plus ancienne que j'aie trouvé des Tolpaches est dans l'Histoire de la guerre de 1741. Voltaire y écrit que « les Tolpaches sont une infanterie hongroise armée d’un fusil, de deux pistolets et d’un sabre ». Il les range donc au rang des Pandours, Heiduques et autres Croates constituant l'essentiel des troupes irrégulières à pied autrichiennes du XVIIIème siècle (nous aurons l'occasion de revenir sur les fameux Manteaux-Rouges de Wurmser qui participèrent à la campagne d'Alsace de 1793, y semant la terreur par leurs exactions, et dont plusieurs Condéens nous ont laissé des descriptions utiles).

Différentes sources confirment bien qu'au moment de la Révolution, on entendait par Tolpaches ces hussards irréguliers hongrois qui étaient attachés aux troupes des frontières. Ils devaient leur nom à leur coiffure, le tolpak (ce mot était alors partagé par les Serbes, et désignait l'équivalent du fez marocain), c'est-à-dire ce bonnet de feutre ou de poil de chèvre aussi partagé par les hussards réguliers autrichiens (voir modèles conservés à Vienne). Tolpak est donc une déclinaison balkanique et d'Europe centrale du terme turc "kalpak" qui a donné colback.

Cette coiffure fut remplacée sans doute en 1792 ou 1793 par le shako en cuir bouilli, et de couleur distinctive par régiment (la réforme de 1798 lui conférera un style conservé tout au long des guerres napoléoniennes) ; ce type de shako fut adopté dès 1793 par les régiments de hussards émigrés (Damas, Béon, Rohan, etc.) qui furent alors levés au service étranger (Provinces Unies, Angleterre, Autriche). Le Musée des Invalides en conserve un exemplaire portant une fleur de lys, à ma connaissance unique (je pourrai en joindre une photo dès que j'aurai compris comment y parvenir...)

Toutes mes excuses à notre camarade de Tury, c'est un lapsus, je pensais en même temps au vicomte de Thumery... Magnifique !!! Pourrais-je en solliciter une ou deux pour mon prochain "Berstheim" à paraître cet été chez Historic'One ? Etant moi-même membre de La Sabretache, j'en demanderai l'autorisation à notre Président.
Sur le dessin de la cavalerie de Mirabeau, on voit bien à gauche un hussard tolpache (et non talpache) dont le bonnet est entouré de fourrure noire, et en fourrure de renard pour les officiers. Je sais que plusieurs dessinateurs ont représenté les hussards tolpaches armés de la lance mais je n'en ai trouvé aucune mention dans mes recherches. Il exista bien, par contre, une compagnie de uhlans (la première levée, elle servait en 1792 d'escorte au prince de Condé quand il se déplaçait, pour se rendre à Coblentz ou Ettenheim) dont l'uniforme nous est connue à la fois par les deux gravures que j'aie mentionnées mais aussi par la description qu'en a donnée le marquis de Toustain.

Pour les "hussards tolpaches" de Rohan, il s'agit de l'uniforme originel que l'on peut voir sur l'officier, sans la courte veste à renforts en laine de mouton sur les épaules (régiment "irrégulier" de hussards levés par le cardinal de Rohan). Pour les deux autres, il s'agit des mêmes hussards devenus en janvier 1795 "Chasseurs de Rohan-Brunswick" (on notera le port des charivaris sans doute apparus dans la cavalerie autrichienne et française en 1792 ou 1793)

Encore mille pardons mon cher Thury !

y' à pas offense ...

pas de souci pour d'autres planches si je peux les fournir, avec plaisir ...

Si l'on désigna ces cavaliers du terme de "hussards tolpaches" ou "talpaches", du fait d'une déformation du nom dont l'origine était inconnue du plus grand nombre à l'époque, leur appellation exacte au sein de la Légion de Mirabeau était celle de "volontaires de la Générale", formant une compagnie (50 cavaliers) au sein du deuxième escadron constitué des Volontaires à cheval et des Volontaires de la Générale. Ce point est d'ailleurs confirmé par la description que le Marquis de Toustain nous en donne dans ses Mémoires :
« Volontaires à cheval de la Générale : dolman noir à la hussarde, gilet et pantalon bleu de ciel. Bottes à la hussarde, bonnet à la talpache. Sabre à la hussarde, avec sabretache bleu de ciel [la sabretache était rouge avec les armes de France pour les hussards du 1er escadron]. Carabine et pistolets, fourniment noir […] La distinction des grades était marquée sur les manches et aux pantalons avec le nombre des galons [de type français], les chefs en avaient avec des fleurs de lys brodées sur le galon même ».

Le capitaine de la compagnie de la "Générale de la cavalerie" n'était autre que le fils unique du vicomte de Mirabeau, auquel les Princes frères du Roi avaient donné le commandement à l'âge de cinq ans, en 1792 ! (il en existe deux représentations sur deux gravures réalisées du vivant de Mirabeau, confirmant que cet uniforme était le même que celui des hussards, à deux exceptions près : la coiffure et la sabretache).

La compagnie des Volontaires de la Générale ou hussards tolpaches fut formée dès l'automne 1791 sur les terres du cardinal de Rohan (Ettenheim), en face de Strasbourg, sur la rive droite du Rhin. En janvier ou février 1792, la légion de Mirabeau dut quitter les états du cardinal pour compléter sa formation dans ceux des Princes de Hohenlohe. « Nous passâmes à Rastadt, séjour de nombreuses familles de l’émigration et des meilleures. J’eus beaucoup de plaisir à revoir la marquise de Bouillé qui m’avait comblé de bontés à Metz, et Mme de Majewska que j’avais connue dans la même ville. Les dames se réunirent pour nous donner un très beau bal, et poussèrent la galanterie jusqu’à se faire faire des bonnets imitant ceux de nos hussards dont elles prirent les couleurs […]

Après la terrible campagne d'Alsace de 1793, la Légion fut des plus démunies du fait de la mort de son chef et de l'absence de subsides pour la soutenir. Son dénuement fut alors extrême et il fallut attendre l'été pour qu'elle parvienne à réparer ses effets et équipements ; mais au même moment, la levée de nouveaux corps soldés par la Grande-Bretagne, de 1794 à 1795, contribua à la vider de ses cadres. Lorsque le comte de Damas la racheta en juin-juillet 1795, les reliefs des trois précédents escadrons disparurent pour être versés dans un seul escadron de hussards (400 cavaliers).

Merci Hughes, voici donc votre première contribution que j'ai intégré dans nos fiches !

Bonjour Laurent !

Sous des tonnes de neige ? Si vous voulez, mais je vous propose de réunir les trois billets que j'ai faits en un seul et de vous renvoyer l'article complet. Cela aura plus de tenue et de contenu ! Je crois que j'ai trouvé encore une ou deux choses intéressantes, non pas d'un point de vue militaire mais sur la mode des tolpaks à la fin du XVIIIème... Je vous fais cela dans la semaine qui vient et vous aurez un bel article à intégrer. Je vous l'enverrai par ce moyen.
Bon dimanche !

Cordialement

Hughes

merci Hugues
Cela pourra aussi faire un sujet pour une prochaine Feuille de Route

Bonjour Jérôme !

J'ai réuni les trois communications en un seul article que j'ai envoyé à Laurent. Est-ce la dernière version que vous avez vue ?

Cordialement

Hughes

http://volontaires.99k.org/hussardstolpache/index.html

voici donc la toute première rubrique d'une unité des émigrés en espérant qu'elles seront nombreuses ! merci à Hughes

oui, Laurent me l'a envoyé.
Je vais pouvoir faire une Fdr sur l'armée de Condé