LE PROJET DE CONTRE-REVOLUTION DU COMTE DE MAILLEBOIS (1789-1790)
SEHRI : de 1789 à 1815 - association loi 1901 :: Histoire politique, sociale et économique de 1788 à 1816 :: la Contre-Révolution en France
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LE PROJET DE CONTRE-REVOLUTION DU COMTE DE MAILLEBOIS (1789-1790)
Voici ce qui fut le premier projet de contre-révolution (1) appelée à être conduite, dès 1790, à partir d’un Etat voisin de la France. Ce complot nous est connu grâce au Rapport du comité de recherches de la municipalité de Paris tendant à dénoncer MM. Maillebois, Bonne-Savardin, et Guignard Saint-Priest (Paris, juillet 1790) (2). Outre les détails portant sur son organisation comme sur ses principaux protagonistes, ce document est particulièrement éclairant sur ce qui servira de modèle à l’invasion de la France, deux ans plus tard, par les armées coalisées et celle des Princes Frères du Roi.
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Le comte de Maillebois
Le 24 mars 1790, ce comité est instruit qu’un projet de contre-révolution est organisé par le comte de Maillebois (M. Maillebois), dénoncé par son secrétaire, M. Massot-Grand’Maison (3) qui vient de quitter son service, horrifié par la nature de ce qu’il a découvert, fin février, lorsque le chevalier de Bonne, « ancien capitaine au service de Hollande dans la légion de Maillebois », lui a demandé de recopier un mémoire écrit de la main de son maître, car en partie illisible. Il apparaît très vite que le principal agent de ce complot est ledit Bonne-Savardin qui loge alors à l’Arsenal, et dont on sait qu’il a « servi dans l’armée rassemblée autour de Paris au mois de juillet précédent, sous les ordres de M. le maréchal de Broglie » et peut-être même joué un rôle dans « les préparatifs de guerre qui s’étaient faits à la Bastille ». On apprend en particulier, à partir des notes reconstituées de mémoire par Massot, que l’intéressé a multiplié les visites chez l’ambassadeur de Sardaigne car ledit projet « proposait au roi de Sardaigne de fournir 25 000 hommes, une somme de 6 à 7 millions, ou tout au moins son cautionnement ». Le comte d’Artois devait pour sa part intervenir auprès de l’Espagne afin que celle-ci fournisse des troupes ou consente une avance de 8 millions. On était par ailleurs assuré du soutien déterminé du duc de Deux-Ponts, du margrave de Bade et enfin du landgrave de Hesse, « décidés à soutenir leurs droits en Alsace ». Enfin, un manifeste aurait été rédigé par MM. Mounier et Lally-Tollendal, à partir de la déclaration lue à la séance royale du 23 juin 1789 (c’est-à-dire sur la base de toutes les avancées dont Louis XVI avait convenu en termes d’égalité de l’impôt, de liberté de la presse, d’abolition définitive du servage, etc. tout en cherchant à préserver « les droits antiques et constitutionnels des trois ordres »), et publié en France au moment de l’entrée en campagne ; les trois corps d’armée d’invasion – l’un à partir de la Savoie (marchant tout d’abord sur Lyon) et les deux suivants du Brabant et de la Lorraine – devaient alors s’avancer jusqu’à Corbeil, Senlis et Meaux et bloquer Paris…
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Le comte d'Artois
Ce plan, élaboré dès début décembre 1789 (le premier exposé de ce projet à une « personne considérable » remonterait au 5 et 6), vise à emmener le roi hors de la capitale et loin des représentants de l’Assemblée nationale, et à lever une armée à opposer à la Garde nationale. Dans un courrier confidentiel adressé à cette même « personne considérable », M. Bonne-Savardin recommande en effet de réunir des troupes capables de s’opposer à la Garde nationale et de se débarrasser de son commandant-général… et propose que le commandement en soit confié à M. de Maillebois en fait le véritable instigateur de ce projet qu’il a rédigé de sa propre main, finançant de ses deniers (1000 louis) les voyages de Bonne-Savardin à la cour de Sardaigne pour l’y exposer au comte d’Artois et au prince de Condé (4).
Fils du maréchal de Maillebois qui s’illustra sous le règne de Louis XIV, Yves-Marie Desmarets, comte de Maillebois, est né en 1715 et épouse dès 1730 la carrière des armes en entrant aux Mousquetaires avant de passer au Corps royal de l’Artillerie (1733). L’année suivante, il est à 19 ans colonel du Régiment de La Sarre infanterie et lieutenant-colonel du régiment de Dauphin, et combat en Italie. Ses succès lui valent bientôt de rejoindre les plus hautes fonctions de l’état-major royal : il est nommé en 1741 aide maréchal général des logis de l’armée du Bas-Rhin, puis maréchal général des logis de l’armée d’Italie et sert successivement en Westphalie, en Bohême, en Bavière, en Italie, en Provence puis dans les Flandres, jusqu’en 1748. Ses brillants états de service lui valent d’être nommé en 1753 gouverneur de la place de Douai ; trois ans plus tard, il réussit à rejoindre le corps qui sert en Méditerranée sous les ordres du maréchal de Richelieu, pour s’illustrer à Minorque et à la prise de Fort-Mahon (1756). Rappelé en Allemagne comme maréchal général des logis de l’armée, en 1757, il ose dénoncer le maréchal d’Estrées comme responsable de la défaite d’Hastenbeck. Tombé en conséquence en disgrâce, et jugé par le tribunal militaire des maréchaux de France, il est non seulement privé de ses titres et fonctions militaires (maréchal de camp depuis 1744, nommé lieutenant général en 1748, décoré de l’ordre du Saint-Esprit en 1757…) mais aussi emprisonné de 1758 à 1760.
Sa carrière semble définitivement brisée mais, grâce au soutien de certains puissants amis et alliés, il parvient à rebondir sous le règne de Louis XVI qui, en 1776, le nomme commandant militaire du Hainaut. En 1781, il cède sa charge militaire de Douai pour rembourser ses dettes et finit par s’exiler aux Provinces Unies où il prend du service. A l’occasion de la révolte des Patriotes (1784), il lève en effet une légion qui porte son nom ; entre 17878 et 1789, elle participe à l’expédition militaire conduite par le duc de Brunswick pour rétablir le Stathouder sur son trône, et Maillebois, « général au service de Leurs Hautes Puissances », c’est-à-dire les Etats-généraux des Provinces Unies des Pays-Bas, est aussi gouverneur de la place de Breda. En juillet 1789, il est proposé pour commander les troupes chargées de ramener l’ordre à Paris mais Louis XVI lui préfère le maréchal de Broglie…
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certificat de la Légion de Maillebois, signé de la main du comte de Maillebois (1785)
Le projet est dénoncé alors que Bonne-Savardin vient de quitter la France pour gagner la cour de Turin où il s’est rendu une première fois le 22 février, et où il a séjourné du 7 au 23 mars. Maillebois, qui réside d’habitude à Paris, est à cette époque « à Thury, maison de campagne de M. Cassini », c’est-à-dire qu’il est l’hôte du marquis de Cassini (5) , au château de Fillerval (Thury-sous-Clermont, aujourd’hui dans l’Oise), mais, une fois instruit de la trahison de son secrétaire, dès le lundi 22 mars (« Massot m’a fait une atrocité !»), il part le jour suivant se réfugier en Hollande, entraînant avec lui « son valet de chambre-chirurgien, nommé Perrier, le sieur Auguste, son laquais, et le sieur Chevalier, domestique de M. de Cassini ».
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Le marquis de Cassini (1715-1790).
Les mois de mars et d’avril 1790 sont consacrés à multiplier les investigations et le comité reçoit quatre missives de Turin et de Nice se faisant l’écho de ce secret de Polichinelle… Selon la première, écrite le 12 mars (alors que Massot-Grand-Maison n’a pas encore fait sa déclaration mais a sans doute déjà prévenu les autorités ou est sur le point de le faire), il est arrivé depuis quatre jours « une personne de Paris, chargée de présenter un projet à M. le comte d’Artois, pour opérer une contre-révolution ». Il serait question de faire lever par le roi de Sardaigne une force de 25 000 hommes, qui serait ensuite répartie en trois divisions qui pénétreraient en France simultanément, une en Dauphiné depuis Embrun, la deuxième depuis le Savoie dans le Lyonnais, et la dernière en Provence à partir de Nice. Toujours selon le même auteur, on chercherait à convaincre les rois de Naples et d’Espagne de contribuer à l’effort de guerre financier puis, à l’aide du manifeste déjà mentionné, de soulever les mécontents du Dauphiné, de Provence ainsi que du Languedoc, mais surtout de Lyon où l’on réunirait tous les sujets fidèles au roi qui quitterait alors Paris pour venir se placer au milieu d’eux. En même temps, on encouragerait les princes allemands possessionnés en Alsace à rentrer en France à la tête d’un corps de 10.000 hommes. L’auteur précise à la fin de sa lettre que seul « le hasard le plus extraordinaire » a mis ce plan sous yeux… et ajoute que la première réaction du comte d’Artois a été de repousser un tel projet, considérant « qu’il ne voulait entrer dans aucun projet qui aurait sa base dans une guerre civile », préférant attendre le développement des événements eux-mêmes…
Dans la deuxième lettre de Turin (27 mars), M. de Maillebois, « général au service d’Hollande, actuellement à Paris », est désigné positivement comme l’auteur de ce projet ; on apprend qu’il devait se retirer à Genève et de là, en échange d’une gratification de 2 000 louis, envoyer sa démission en Hollande à la condition d’obtenir une place équivalente dans l’armée sarde. Bien renseigné, son auteur précise que les conseils des princes semblaient peu enthousiastes, en particulier du fait de l’impossibilité du royaume de Naples de jouer son rôle, recommandant d’attendre un moment plus favorable et le soulèvement d’une province frontière sur laquelle s’appuyer (Artois, Picardie, Languedoc, Provence, le Lyonnais ne semblant plus une possibilité envisageable), voire la banqueroute générale du royaume ; en attendant, ils recommandaient de se concentrer sur la levée des fonds nécessaires à cette entreprise et de favoriser la position de M. de Maillebois auprès du roi, au sein même de son conseil, afin de contrebalancer l’influence de Lafayette et Liancourt, de le gagner à ce projet et, pour en faciliter l’exécution, de le pousser au département de la Guerre. Dans l’impossibilité d’y parvenir, chercher au moins à lui faire prendre du service en France afin de le faire nommer à la tête de l’une de ces provinces où il pourrait lancer l’insurrection.
La troisième dépêche (Turin, 23 mars, mais arrivée après la précédente) semble être du même auteur que les précédentes et apporte peu de détails supplémentaires (on y fait allusion à la position centrale de Lyon dans ce projet, où résident nombre d’agents contre-révolutionnaires prêts à marcher malgré l’échec de février). Elle confirme que Maillebois, qui a combiné « un projet de contre-révolution en France », aurait dû envoyer de Genève sa démission « de sa place et de son gouvernement de Breda » pour prendre la tête de cette expédition militaire. tout en reconnaissant qu’il aurait fallu commencer par réunir les fonds et s’assurer des soutiens espagnols, napolitains et allemands, ce à quoi on travaillait… et s’assurer d’une province d’où l’on pourrait déclencher l’insurrection. Quant à la liste des personnes à rendre suspectes au roi ou à en écarter, elle s’allongeait : La Fayette, Montmorin, Liancourt, Necker, reparti prendre les eaux…
Quant à la dernière lettre (écrite le 19 avril de Nice), elle ne fait qu’une simple mention de ce projet en observant qu’ « on entendoit confusément le nom de Maillebois dans leurs chuchotages »…
Au retour de Turin, Bonne-Savardin repasse par Paris où il remet un paquet au marquis de Cordon ambassadeur de sa Majesté Sarde, qui lui délivre à la date du 1er avril 1790 un passeport au nom du « chevalier de Savardin, sujet du roi de Sardaigne », ce qui lui permettra plus tard de justifier ses échanges avec le diplomate et ses voyages en Italie, cherchant alors à mettre son épée au service d’une puissance étrangère. En attendant, il parvient à gagner la Hollande pour rendre compte de sa mission au comte de Maillebois sous les ordres duquel il a servi autrefois (cf la lettre écrite le 19 mai 1790 à la grande société de Breda, par le comte de Maillebois déclarant que l’intéressé a en effet quitté le service des Etats-Généraux en 1788). Mais, lors de son dernier passage à Paris, l’ambassadeur de Sardaigne (son « ami de la rue du Cherche-Midi ») refuse de le recevoir, sachant que le complot a commencé à s’éventer…ce que lui confirme Maillebois par une lettre d’Anvers, en date du 15 avril. Bonne-Savardin décide néanmoins de tenter une dernière fois de passer en Savoie pour rendre compte de sa mission et sans doute y trouver un refuge, se sachant désormais « grillé » en France ; le 25 avril, l’ambassadeur de Sardaigne lui écrit en effet : « Je sais qu’on vous a fait chercher, et que vous pourriez bien encore être arrêté, quoique les bruits de vos projets soient ralentis depuis quelques jours ». Le 30 avril 1790, à 22h30, il est arrêté par la garde nationale et la municipalité de Pont-Beauvoisin (6), alors qu’il tente de franchir la frontière en se faisant passer pour un aide de camp de La Fayette (…), pour avoir été « dénoncé dans les papiers publics comme coopérateur d’une conspiration contre l’état » (La Fayette a signé un mois plus tôt l’ordre de l’arrêter et tous les postes frontières ont été prévenus contre « le chevalier de Bonne aussi dit de Savardin »). Tout d’abord incarcéré à Lyon, il est ensuite transféré à Paris sous la garde d’officiers d’état-major de la Garde nationale, dépêchés par La Fayette, pour y être emprisonné et y subir plusieurs interrogatoires (du 21 au 24 mai et le 4 juin).
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La Fayette, commandant de la Garde nationale.
Ce n’est qu’au moment de son arrestation que son identité est établie comme celle du « sieur Bertrand de Bonne, chevalier de Saint-Louis, lieutenant-colonel d’infanterie, au service d’Hollande, natif des Echelles, en Savoie, âgé d’environ quarante ans », accompagné de son domestique « Joseph Meis, natif de Blamont, en Lorraine, âgé d’environ quarante-cinq ans ». Malgré ses dénégations et les ressources d’un esprit fertile, Bonne-Savardin finira par être confondu par les documents trouvés dans ses équipages, en particulier son « livre de raison », c’est-à-dire son journal (même si les noms ont été codés), et plusieurs lettres compromettantes dont celle du comte de Maillebois au comte d’Artois. On releva en particulier plusieurs lettres concernant le comte de La Chastre (ou de La Châtre, premier gentilhomme du comte de Provence, alors député monarchiste et futur colonel de Loyal-Emigrant) qui avait rencontré Bonne-Savardin en février et à son retour de Turin ; lors de sa visite en cette capitale, ce dernier devait rendre compte de leur conversation détaillée à M. Mounier. Par ailleurs, son journal permit de découvrir assez facilement que la « personne considérable » rencontrée le 5 décembre 1789 pour lui exposer le plan de Maillebois n’était autre que le comte de Saint-Priest (7), ministre de la Guerre. Ce dernier n’avait pas caché à son interlocuteur qu’il n’était pas favorable à ce que le commandement des forces militaires soit confié au maréchal de Broglie dont on n’avait pas apprécié les précédents services…
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Le comte de Saint-Priest.
Même s’il finit par reconnaître devant le comité la réalité d’un projet qui visait à soustraire le roi et à le conduire dans les provinces où nombre de volontaires contre-révolutionnaires auraient rejoint les forces royalistes, Bonne-Savardin protégea toujours son ancien chef en déclarant que c’est lui-même qui avait proposé le nom de M. Maillebois pour commander l’une des trois divisions de l’armée française projetées par M. de La Tour-du-Pin dans son plan d’organisation militaire à opposer à la Garde nationale.
On observera que le comte de Provence n’est pas une seule fois mentionné, étant assez prudent pour se faire représenter par son fidèle gentilhomme, La Chastre, tandis que le comte d’Artois consentait à prêter l’oreille à de telles propositions dont l’un et l’autre sauront sans doute se souvenir en 1792. Après l’échec d’une alliance familiale qui aurait privilégié les Bourbon d’Espagne et d’Italie, et les princes allemands possessionnés en Alsace, celle de 1792 réunira en effet les seules puissances germaniques (Autriche, Prusse, princes allemands du Saint-Empire dont ceux possessionnés en Alsace) mais le plan général retenu par les princes Frères du Roi reprendra le cadre du projet de Maillebois : répartition des forces en trois corps entrant en campagne après la proclamation d’un manifeste royaliste… Malheureusement, les partis royalistes ayant tout été affaiblis par leurs divisions, l’armée des princes ou Armée du Centre (celle qui participa à la campagne de France, jusqu’en Champagne) devait être commandée par deux chefs et non un, le maréchal de Castries et le maréchal de Broglie, celui-là même auquel le comte de Saint-Priest aurait préféré le comte de Maillebois, malheureusement décédé en décembre 1791, à Liège…
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Le maréchal de Broglie.
Epilogue
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de Baqrmond
Le rapport du comité de recherches ayant été publié mi-juillet 1790, il ne rend pas compte des péripéties rocambolesques qui firent suite à cette affaire et que nous proposons de rappeler ici. Ayant été incarcéré à l’Abbaye, Bonne-Savardin réussit à s’en échapper à cette époque grâce à la complicité de la Cour, puis se réfugia chez Louis de Foucauld, marquis de Lardimalie (8), alors député monarchiste, avant de se cacher chez son ami l’abbé de Barmond. Ex conseiller-clerc au parlement de Paris, député en 1789 pour le clergé aux Etats-généraux, celui-ci avait résolu d’émigrer aussi offrit-il au fugitif une place dans sa voiture, avec un certain M. Eggs. « Cependant, la fatalité qui semblait s’être attachée aux pas du chevalier, déconcerta encore ce plan ; tous trois furent arrêtés à Châlons-sur-Marne, le 29 juillet 1790, et ramenés à Paris ; un nouveau rapport fait au comité de recherches de la ville, contre le chevalier de Savardin, et renvoyé par ce comité à celui de l’assemblée, fit rendre contre lui un décret de prise de corps ; des témoins furent entendus ; une information régulière eut lieu, et après un long interrogatoire, il fut décrété d’accusation, et traduit par devant la Haute cour nationale d’Orléans, où il fut transféré vers le milieu de mars 1791. Ce tribunal instruisit la procédure, reconnut l’insuffisance des preuves, et acquitta le chevalier de Savardin, qui fut mis sur-le-champ en liberté, et quitta peu après la France » . Comme on le voit, si Bonne-Savardin a sans doute mérité d’être alors qualifié de « grand conspirateur contre l’Etat », il est abusif de le qualifier d’ « agent des princes émigrés » et de laisser penser que ceux-ci auraient, dès la fin de l’année 1789, pris l’initiative d’un conflit civil ayant entraîné la perte de leur frère et cousin (pour le prince de Condé). Mais ce sont les événements qui conduisirent le comte d’Artois à reconsidérer ce projet avec intérêt dès décembre 1790.
Quant au chevalier de Bonne, il servit bien comme officier d’état-major de l’armée sarde au cours de la campagne des Alpes de 1792-1793. Mais ceci est une autre histoire…
(1) Le terme est utilisé dès la p 29 par le comité de recherches lui-même.
(2) Rapport signé le 9 juillet 1790 de : AGIER, PERRON, OUDART, GARRAN et BRISSOT.
(3) Dénonciateur : M. Thomas-Jean Massot de Grand-Maison, domicilié au 91, rue de Grenelle, à Saint-Germain.
(4) Le comte d’Artois, futur Charles X, gendre du roi de Sardaigne, arrive le 15 septembre 1789 à Turin, bientôt rejoint par les Condé (le 27). Ces derniers quitteront la capitale sarde le 5 janvier 1791 pour gagner l’Allemagne.
(5) Né le 27 novembre 1715, à Paris, d’une famille italienne originaire de Sienne, Cassini décéda en son château, le 17 avril 1790, au cœur des événements…
(6) Cette commune de Pont-Beauvoisin (aujourd’hui dans l’Isère), marquait alors la frontière avec le duché de Savoie. La commune savoyarde qui lui fait face, sur l’autre rive de la Guiers, est dite « Le Pont de Beauvoisin ».
(7) François-Emmanuel Guignard, comte de Saint-Priest (1735-1821). On lui doit des Mémoires fort intéressants, allant de 1760 à 1815.
(8) Emigré fin septembre 1791, il fit la campagne de 1792 à l’armée des Princes puis rejoignit en 1793 celle du prince de Condé, où il servit comme officier jusqu’à son licenciement, en 1801. Rentra alors en France, dans son château du Périgord ; il y mourut, en 1805, d’un accident domestique du fait de l’écroulement de son escalier…
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Le comte de Maillebois
Le 24 mars 1790, ce comité est instruit qu’un projet de contre-révolution est organisé par le comte de Maillebois (M. Maillebois), dénoncé par son secrétaire, M. Massot-Grand’Maison (3) qui vient de quitter son service, horrifié par la nature de ce qu’il a découvert, fin février, lorsque le chevalier de Bonne, « ancien capitaine au service de Hollande dans la légion de Maillebois », lui a demandé de recopier un mémoire écrit de la main de son maître, car en partie illisible. Il apparaît très vite que le principal agent de ce complot est ledit Bonne-Savardin qui loge alors à l’Arsenal, et dont on sait qu’il a « servi dans l’armée rassemblée autour de Paris au mois de juillet précédent, sous les ordres de M. le maréchal de Broglie » et peut-être même joué un rôle dans « les préparatifs de guerre qui s’étaient faits à la Bastille ». On apprend en particulier, à partir des notes reconstituées de mémoire par Massot, que l’intéressé a multiplié les visites chez l’ambassadeur de Sardaigne car ledit projet « proposait au roi de Sardaigne de fournir 25 000 hommes, une somme de 6 à 7 millions, ou tout au moins son cautionnement ». Le comte d’Artois devait pour sa part intervenir auprès de l’Espagne afin que celle-ci fournisse des troupes ou consente une avance de 8 millions. On était par ailleurs assuré du soutien déterminé du duc de Deux-Ponts, du margrave de Bade et enfin du landgrave de Hesse, « décidés à soutenir leurs droits en Alsace ». Enfin, un manifeste aurait été rédigé par MM. Mounier et Lally-Tollendal, à partir de la déclaration lue à la séance royale du 23 juin 1789 (c’est-à-dire sur la base de toutes les avancées dont Louis XVI avait convenu en termes d’égalité de l’impôt, de liberté de la presse, d’abolition définitive du servage, etc. tout en cherchant à préserver « les droits antiques et constitutionnels des trois ordres »), et publié en France au moment de l’entrée en campagne ; les trois corps d’armée d’invasion – l’un à partir de la Savoie (marchant tout d’abord sur Lyon) et les deux suivants du Brabant et de la Lorraine – devaient alors s’avancer jusqu’à Corbeil, Senlis et Meaux et bloquer Paris…
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Le comte d'Artois
Ce plan, élaboré dès début décembre 1789 (le premier exposé de ce projet à une « personne considérable » remonterait au 5 et 6), vise à emmener le roi hors de la capitale et loin des représentants de l’Assemblée nationale, et à lever une armée à opposer à la Garde nationale. Dans un courrier confidentiel adressé à cette même « personne considérable », M. Bonne-Savardin recommande en effet de réunir des troupes capables de s’opposer à la Garde nationale et de se débarrasser de son commandant-général… et propose que le commandement en soit confié à M. de Maillebois en fait le véritable instigateur de ce projet qu’il a rédigé de sa propre main, finançant de ses deniers (1000 louis) les voyages de Bonne-Savardin à la cour de Sardaigne pour l’y exposer au comte d’Artois et au prince de Condé (4).
Fils du maréchal de Maillebois qui s’illustra sous le règne de Louis XIV, Yves-Marie Desmarets, comte de Maillebois, est né en 1715 et épouse dès 1730 la carrière des armes en entrant aux Mousquetaires avant de passer au Corps royal de l’Artillerie (1733). L’année suivante, il est à 19 ans colonel du Régiment de La Sarre infanterie et lieutenant-colonel du régiment de Dauphin, et combat en Italie. Ses succès lui valent bientôt de rejoindre les plus hautes fonctions de l’état-major royal : il est nommé en 1741 aide maréchal général des logis de l’armée du Bas-Rhin, puis maréchal général des logis de l’armée d’Italie et sert successivement en Westphalie, en Bohême, en Bavière, en Italie, en Provence puis dans les Flandres, jusqu’en 1748. Ses brillants états de service lui valent d’être nommé en 1753 gouverneur de la place de Douai ; trois ans plus tard, il réussit à rejoindre le corps qui sert en Méditerranée sous les ordres du maréchal de Richelieu, pour s’illustrer à Minorque et à la prise de Fort-Mahon (1756). Rappelé en Allemagne comme maréchal général des logis de l’armée, en 1757, il ose dénoncer le maréchal d’Estrées comme responsable de la défaite d’Hastenbeck. Tombé en conséquence en disgrâce, et jugé par le tribunal militaire des maréchaux de France, il est non seulement privé de ses titres et fonctions militaires (maréchal de camp depuis 1744, nommé lieutenant général en 1748, décoré de l’ordre du Saint-Esprit en 1757…) mais aussi emprisonné de 1758 à 1760.
Sa carrière semble définitivement brisée mais, grâce au soutien de certains puissants amis et alliés, il parvient à rebondir sous le règne de Louis XVI qui, en 1776, le nomme commandant militaire du Hainaut. En 1781, il cède sa charge militaire de Douai pour rembourser ses dettes et finit par s’exiler aux Provinces Unies où il prend du service. A l’occasion de la révolte des Patriotes (1784), il lève en effet une légion qui porte son nom ; entre 17878 et 1789, elle participe à l’expédition militaire conduite par le duc de Brunswick pour rétablir le Stathouder sur son trône, et Maillebois, « général au service de Leurs Hautes Puissances », c’est-à-dire les Etats-généraux des Provinces Unies des Pays-Bas, est aussi gouverneur de la place de Breda. En juillet 1789, il est proposé pour commander les troupes chargées de ramener l’ordre à Paris mais Louis XVI lui préfère le maréchal de Broglie…
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certificat de la Légion de Maillebois, signé de la main du comte de Maillebois (1785)
Le projet est dénoncé alors que Bonne-Savardin vient de quitter la France pour gagner la cour de Turin où il s’est rendu une première fois le 22 février, et où il a séjourné du 7 au 23 mars. Maillebois, qui réside d’habitude à Paris, est à cette époque « à Thury, maison de campagne de M. Cassini », c’est-à-dire qu’il est l’hôte du marquis de Cassini (5) , au château de Fillerval (Thury-sous-Clermont, aujourd’hui dans l’Oise), mais, une fois instruit de la trahison de son secrétaire, dès le lundi 22 mars (« Massot m’a fait une atrocité !»), il part le jour suivant se réfugier en Hollande, entraînant avec lui « son valet de chambre-chirurgien, nommé Perrier, le sieur Auguste, son laquais, et le sieur Chevalier, domestique de M. de Cassini ».
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Le marquis de Cassini (1715-1790).
Les mois de mars et d’avril 1790 sont consacrés à multiplier les investigations et le comité reçoit quatre missives de Turin et de Nice se faisant l’écho de ce secret de Polichinelle… Selon la première, écrite le 12 mars (alors que Massot-Grand-Maison n’a pas encore fait sa déclaration mais a sans doute déjà prévenu les autorités ou est sur le point de le faire), il est arrivé depuis quatre jours « une personne de Paris, chargée de présenter un projet à M. le comte d’Artois, pour opérer une contre-révolution ». Il serait question de faire lever par le roi de Sardaigne une force de 25 000 hommes, qui serait ensuite répartie en trois divisions qui pénétreraient en France simultanément, une en Dauphiné depuis Embrun, la deuxième depuis le Savoie dans le Lyonnais, et la dernière en Provence à partir de Nice. Toujours selon le même auteur, on chercherait à convaincre les rois de Naples et d’Espagne de contribuer à l’effort de guerre financier puis, à l’aide du manifeste déjà mentionné, de soulever les mécontents du Dauphiné, de Provence ainsi que du Languedoc, mais surtout de Lyon où l’on réunirait tous les sujets fidèles au roi qui quitterait alors Paris pour venir se placer au milieu d’eux. En même temps, on encouragerait les princes allemands possessionnés en Alsace à rentrer en France à la tête d’un corps de 10.000 hommes. L’auteur précise à la fin de sa lettre que seul « le hasard le plus extraordinaire » a mis ce plan sous yeux… et ajoute que la première réaction du comte d’Artois a été de repousser un tel projet, considérant « qu’il ne voulait entrer dans aucun projet qui aurait sa base dans une guerre civile », préférant attendre le développement des événements eux-mêmes…
Dans la deuxième lettre de Turin (27 mars), M. de Maillebois, « général au service d’Hollande, actuellement à Paris », est désigné positivement comme l’auteur de ce projet ; on apprend qu’il devait se retirer à Genève et de là, en échange d’une gratification de 2 000 louis, envoyer sa démission en Hollande à la condition d’obtenir une place équivalente dans l’armée sarde. Bien renseigné, son auteur précise que les conseils des princes semblaient peu enthousiastes, en particulier du fait de l’impossibilité du royaume de Naples de jouer son rôle, recommandant d’attendre un moment plus favorable et le soulèvement d’une province frontière sur laquelle s’appuyer (Artois, Picardie, Languedoc, Provence, le Lyonnais ne semblant plus une possibilité envisageable), voire la banqueroute générale du royaume ; en attendant, ils recommandaient de se concentrer sur la levée des fonds nécessaires à cette entreprise et de favoriser la position de M. de Maillebois auprès du roi, au sein même de son conseil, afin de contrebalancer l’influence de Lafayette et Liancourt, de le gagner à ce projet et, pour en faciliter l’exécution, de le pousser au département de la Guerre. Dans l’impossibilité d’y parvenir, chercher au moins à lui faire prendre du service en France afin de le faire nommer à la tête de l’une de ces provinces où il pourrait lancer l’insurrection.
La troisième dépêche (Turin, 23 mars, mais arrivée après la précédente) semble être du même auteur que les précédentes et apporte peu de détails supplémentaires (on y fait allusion à la position centrale de Lyon dans ce projet, où résident nombre d’agents contre-révolutionnaires prêts à marcher malgré l’échec de février). Elle confirme que Maillebois, qui a combiné « un projet de contre-révolution en France », aurait dû envoyer de Genève sa démission « de sa place et de son gouvernement de Breda » pour prendre la tête de cette expédition militaire. tout en reconnaissant qu’il aurait fallu commencer par réunir les fonds et s’assurer des soutiens espagnols, napolitains et allemands, ce à quoi on travaillait… et s’assurer d’une province d’où l’on pourrait déclencher l’insurrection. Quant à la liste des personnes à rendre suspectes au roi ou à en écarter, elle s’allongeait : La Fayette, Montmorin, Liancourt, Necker, reparti prendre les eaux…
Quant à la dernière lettre (écrite le 19 avril de Nice), elle ne fait qu’une simple mention de ce projet en observant qu’ « on entendoit confusément le nom de Maillebois dans leurs chuchotages »…
Au retour de Turin, Bonne-Savardin repasse par Paris où il remet un paquet au marquis de Cordon ambassadeur de sa Majesté Sarde, qui lui délivre à la date du 1er avril 1790 un passeport au nom du « chevalier de Savardin, sujet du roi de Sardaigne », ce qui lui permettra plus tard de justifier ses échanges avec le diplomate et ses voyages en Italie, cherchant alors à mettre son épée au service d’une puissance étrangère. En attendant, il parvient à gagner la Hollande pour rendre compte de sa mission au comte de Maillebois sous les ordres duquel il a servi autrefois (cf la lettre écrite le 19 mai 1790 à la grande société de Breda, par le comte de Maillebois déclarant que l’intéressé a en effet quitté le service des Etats-Généraux en 1788). Mais, lors de son dernier passage à Paris, l’ambassadeur de Sardaigne (son « ami de la rue du Cherche-Midi ») refuse de le recevoir, sachant que le complot a commencé à s’éventer…ce que lui confirme Maillebois par une lettre d’Anvers, en date du 15 avril. Bonne-Savardin décide néanmoins de tenter une dernière fois de passer en Savoie pour rendre compte de sa mission et sans doute y trouver un refuge, se sachant désormais « grillé » en France ; le 25 avril, l’ambassadeur de Sardaigne lui écrit en effet : « Je sais qu’on vous a fait chercher, et que vous pourriez bien encore être arrêté, quoique les bruits de vos projets soient ralentis depuis quelques jours ». Le 30 avril 1790, à 22h30, il est arrêté par la garde nationale et la municipalité de Pont-Beauvoisin (6), alors qu’il tente de franchir la frontière en se faisant passer pour un aide de camp de La Fayette (…), pour avoir été « dénoncé dans les papiers publics comme coopérateur d’une conspiration contre l’état » (La Fayette a signé un mois plus tôt l’ordre de l’arrêter et tous les postes frontières ont été prévenus contre « le chevalier de Bonne aussi dit de Savardin »). Tout d’abord incarcéré à Lyon, il est ensuite transféré à Paris sous la garde d’officiers d’état-major de la Garde nationale, dépêchés par La Fayette, pour y être emprisonné et y subir plusieurs interrogatoires (du 21 au 24 mai et le 4 juin).
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La Fayette, commandant de la Garde nationale.
Ce n’est qu’au moment de son arrestation que son identité est établie comme celle du « sieur Bertrand de Bonne, chevalier de Saint-Louis, lieutenant-colonel d’infanterie, au service d’Hollande, natif des Echelles, en Savoie, âgé d’environ quarante ans », accompagné de son domestique « Joseph Meis, natif de Blamont, en Lorraine, âgé d’environ quarante-cinq ans ». Malgré ses dénégations et les ressources d’un esprit fertile, Bonne-Savardin finira par être confondu par les documents trouvés dans ses équipages, en particulier son « livre de raison », c’est-à-dire son journal (même si les noms ont été codés), et plusieurs lettres compromettantes dont celle du comte de Maillebois au comte d’Artois. On releva en particulier plusieurs lettres concernant le comte de La Chastre (ou de La Châtre, premier gentilhomme du comte de Provence, alors député monarchiste et futur colonel de Loyal-Emigrant) qui avait rencontré Bonne-Savardin en février et à son retour de Turin ; lors de sa visite en cette capitale, ce dernier devait rendre compte de leur conversation détaillée à M. Mounier. Par ailleurs, son journal permit de découvrir assez facilement que la « personne considérable » rencontrée le 5 décembre 1789 pour lui exposer le plan de Maillebois n’était autre que le comte de Saint-Priest (7), ministre de la Guerre. Ce dernier n’avait pas caché à son interlocuteur qu’il n’était pas favorable à ce que le commandement des forces militaires soit confié au maréchal de Broglie dont on n’avait pas apprécié les précédents services…
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Le comte de Saint-Priest.
Même s’il finit par reconnaître devant le comité la réalité d’un projet qui visait à soustraire le roi et à le conduire dans les provinces où nombre de volontaires contre-révolutionnaires auraient rejoint les forces royalistes, Bonne-Savardin protégea toujours son ancien chef en déclarant que c’est lui-même qui avait proposé le nom de M. Maillebois pour commander l’une des trois divisions de l’armée française projetées par M. de La Tour-du-Pin dans son plan d’organisation militaire à opposer à la Garde nationale.
On observera que le comte de Provence n’est pas une seule fois mentionné, étant assez prudent pour se faire représenter par son fidèle gentilhomme, La Chastre, tandis que le comte d’Artois consentait à prêter l’oreille à de telles propositions dont l’un et l’autre sauront sans doute se souvenir en 1792. Après l’échec d’une alliance familiale qui aurait privilégié les Bourbon d’Espagne et d’Italie, et les princes allemands possessionnés en Alsace, celle de 1792 réunira en effet les seules puissances germaniques (Autriche, Prusse, princes allemands du Saint-Empire dont ceux possessionnés en Alsace) mais le plan général retenu par les princes Frères du Roi reprendra le cadre du projet de Maillebois : répartition des forces en trois corps entrant en campagne après la proclamation d’un manifeste royaliste… Malheureusement, les partis royalistes ayant tout été affaiblis par leurs divisions, l’armée des princes ou Armée du Centre (celle qui participa à la campagne de France, jusqu’en Champagne) devait être commandée par deux chefs et non un, le maréchal de Castries et le maréchal de Broglie, celui-là même auquel le comte de Saint-Priest aurait préféré le comte de Maillebois, malheureusement décédé en décembre 1791, à Liège…
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Le maréchal de Broglie.
Epilogue
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de Baqrmond
Le rapport du comité de recherches ayant été publié mi-juillet 1790, il ne rend pas compte des péripéties rocambolesques qui firent suite à cette affaire et que nous proposons de rappeler ici. Ayant été incarcéré à l’Abbaye, Bonne-Savardin réussit à s’en échapper à cette époque grâce à la complicité de la Cour, puis se réfugia chez Louis de Foucauld, marquis de Lardimalie (8), alors député monarchiste, avant de se cacher chez son ami l’abbé de Barmond. Ex conseiller-clerc au parlement de Paris, député en 1789 pour le clergé aux Etats-généraux, celui-ci avait résolu d’émigrer aussi offrit-il au fugitif une place dans sa voiture, avec un certain M. Eggs. « Cependant, la fatalité qui semblait s’être attachée aux pas du chevalier, déconcerta encore ce plan ; tous trois furent arrêtés à Châlons-sur-Marne, le 29 juillet 1790, et ramenés à Paris ; un nouveau rapport fait au comité de recherches de la ville, contre le chevalier de Savardin, et renvoyé par ce comité à celui de l’assemblée, fit rendre contre lui un décret de prise de corps ; des témoins furent entendus ; une information régulière eut lieu, et après un long interrogatoire, il fut décrété d’accusation, et traduit par devant la Haute cour nationale d’Orléans, où il fut transféré vers le milieu de mars 1791. Ce tribunal instruisit la procédure, reconnut l’insuffisance des preuves, et acquitta le chevalier de Savardin, qui fut mis sur-le-champ en liberté, et quitta peu après la France » . Comme on le voit, si Bonne-Savardin a sans doute mérité d’être alors qualifié de « grand conspirateur contre l’Etat », il est abusif de le qualifier d’ « agent des princes émigrés » et de laisser penser que ceux-ci auraient, dès la fin de l’année 1789, pris l’initiative d’un conflit civil ayant entraîné la perte de leur frère et cousin (pour le prince de Condé). Mais ce sont les événements qui conduisirent le comte d’Artois à reconsidérer ce projet avec intérêt dès décembre 1790.
Quant au chevalier de Bonne, il servit bien comme officier d’état-major de l’armée sarde au cours de la campagne des Alpes de 1792-1793. Mais ceci est une autre histoire…
(1) Le terme est utilisé dès la p 29 par le comité de recherches lui-même.
(2) Rapport signé le 9 juillet 1790 de : AGIER, PERRON, OUDART, GARRAN et BRISSOT.
(3) Dénonciateur : M. Thomas-Jean Massot de Grand-Maison, domicilié au 91, rue de Grenelle, à Saint-Germain.
(4) Le comte d’Artois, futur Charles X, gendre du roi de Sardaigne, arrive le 15 septembre 1789 à Turin, bientôt rejoint par les Condé (le 27). Ces derniers quitteront la capitale sarde le 5 janvier 1791 pour gagner l’Allemagne.
(5) Né le 27 novembre 1715, à Paris, d’une famille italienne originaire de Sienne, Cassini décéda en son château, le 17 avril 1790, au cœur des événements…
(6) Cette commune de Pont-Beauvoisin (aujourd’hui dans l’Isère), marquait alors la frontière avec le duché de Savoie. La commune savoyarde qui lui fait face, sur l’autre rive de la Guiers, est dite « Le Pont de Beauvoisin ».
(7) François-Emmanuel Guignard, comte de Saint-Priest (1735-1821). On lui doit des Mémoires fort intéressants, allant de 1760 à 1815.
(8) Emigré fin septembre 1791, il fit la campagne de 1792 à l’armée des Princes puis rejoignit en 1793 celle du prince de Condé, où il servit comme officier jusqu’à son licenciement, en 1801. Rentra alors en France, dans son château du Périgord ; il y mourut, en 1805, d’un accident domestique du fait de l’écroulement de son escalier…
Hughes de Bazouges- determinatio
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