le comité de sureté générale
SEHRI : de 1789 à 1815 - association loi 1901 :: Histoire politique, sociale et économique de 1788 à 1816 :: Les comités de surveillance
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le comité de sureté générale
Créé le 2 octobre 1792 sous le nom de Comité de sûreté générale et de surveillance, titre allégé en Comité de sûreté générale, successeur du Comité des recherches de la Constituante et du Comité des pétitions, dépêches et correspondances de la Législative, il assura un rôle majeur dans les affaires de police politique de la Terreur ainsi que pour les affaires d'émigration. Réduit de 30 à 12 membres, tous montagnards sous la
Terreur, il traita alors de toutes les affaires politiques puis, après le Neuf-Thermidor, fit la chasse aux robespierristes.
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Par définition un historien se doit d'éclairer certaines zones d'ombres du passé. Ayant de droit accès à toutes les archives ouvertes, il s'appuie sur ses recherches pour délivrer ses résultats, quitte à briser quelques clichés.
Président de la S.E.H.R.I.
Re: le comité de sureté générale
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Par définition un historien se doit d'éclairer certaines zones d'ombres du passé. Ayant de droit accès à toutes les archives ouvertes, il s'appuie sur ses recherches pour délivrer ses résultats, quitte à briser quelques clichés.
Président de la S.E.H.R.I.
un agent du CSG : Ferrières SAuvebeouf
Louis-François, comte de Ferrières-Sauvebeuf, né en 1762 au château du Moulin d’Arnac en Corrèze, mort assassiné en 1814, fut recruté pour se charger de missions secrètes au Proche-Orient sous le ministère Vergennes. Pendant la Terreur, de décembre 1793 à juillet 1794, il fut instrumenté par le Comité de sûreté générale, devenant le plus redoutable des indicateurs de prison.
Diplomate et aventurier
Il était le quatrième fils de François de Ferrières-Sauvebeuf, comte de Ferrières-Sauvebeuf, et de Marguerite de Chastaignac de la Guyonnie.
Ce cousin de Mirabeau allié à la haute noblesse[1], fut d’abord officier puis exerça, sous le ministre des Affaires étrangères Vergennes, le métier d’agent secret. Il voyagea notamment en Italie d’où il passa au Proche-Orient, principalement en Turquie puis à Lattaquié en Syrie et de là à Ispahan, en Perse (5 mai 1784), où il consigna ses observations sur des guerres meurtrières dont il fut le témoin.
Il prétendit après coup avoir été éveillé alors aux sentiments de la liberté: « J’appris, écrit-il plus tard, à connaître avec les Tartares, cette fierté, premier sentiment de l’homme libre, qui n’a d’autres chefs que ceux qu’il s’est choisi lui-même, et qui frémit au seul nom d’un maître inamovible ». Il aurait accompagné Agha-Méhémet dans ses expéditions guerrières, mais il chercha surtout, comme on le lui avait prescrit, « de détourner le shah de faire filer vers le Caucase les marchandises venant par caravanes d’Extrême-Orient pour les ramener à Constantinople selon l’ancien usage »[2]. Il revint par Bagdad, traversa l’Asie mineure et, arrivé à Constantinople, il se brouilla avec l’ambassadeur Choiseul-Gouffier. Puis il embarqua pour la France.
À Versailles, il intrigua contre Choiseul-Gouffier et convainquit le nouveau ministre Montmorin de décerner un blâme contre son ambassadeur.
À nouveau chargé de lettres ministérielles, il se mit en route pour Constantinople le 17 mai 1788 dans le but essentiel de régler des affaires privées. Il s’agissait d’une prise d’intérêt dans un trafic de ventes d’armes françaises à la Turquie. S’étant acquitté de sa mission officielle, il fut sèchement renvoyé par Marie-Gabriel-Florent-Auguste de Choiseul-Gouffier qui lui reprocha d’interférer dans la diplomatie franco-turque[3] -, il retourna en France par les Balkans, travesti en turc, mais fut arrêté non loin du front austro-turc, entre Nish et Belgrade. Soupçonné d’espionnage, il fut ramené enchaîné au camp du grand vizir, partageant la captivité de soldats et officiers hongrois, puis conduit avec eux à Constantinople où il fut détenu quelques semaines.
Ayant été libéré, il débarqua à Toulon à la mi-octobre 1788, et, sa réputation d’intrigant dangereux l’ayant précédé, il fut dès son arrivée l’objet d’une lettre de cachet et transféré au Lazaret puis au château d’If.
Relâché après quelques mois, il gagna Paris où il arriva le 20 mai 1789. En janvier 1790, il fit imprimer les récits de ses voyages dans lesquels il règle ses comptes avec Choiseul-Gouffier[4]. En 1791, le comte de Ferrières-Sauvebeuf fréquentait la société aristocratique, quoiqu’il s’en défendît par la suite. Il ne lui fut donc pas difficile, le moment venu, de donner à la police politique de la Terreur des indications sur tous ceux que, pour des raisons diverses, on voulait envoyer au Tribunal révolutionnaire. La Révolution fut surtout pour lui l’occasion de pêcher en eaux troubles : « Extérieurement, il affichait le patriotisme avec les patriotes, au point qu’il fallait être connaisseur pour ne pas s’y méprendre, et dans l’intérieur de sa maison, il était aristocrate. » Le comte Beugnot dit qu’il vivait dans un appartement de deux pièces en rez-de-chaussée, qu’il avait décoré avec un luxe oriental, fumant la pipe sur un divan avec, à ses côtés, des rossignols en cage[5].
Indicateur dans les prisons de la Terreur
C’était aussi un libertin dévoyé qui avait enlevé une demoiselle Théophile Heuvrard, âgée de quinze ans, qu’il séquestrait dans une « maison particulière »[n 1]. Le comité de la section du Nord avait fait libérer cette jeune fille qui retrouva ses parents. Mal noté par le comité de surveillance de sa section, celui-ci ordonna son arrestation qui eut lieu le 8 frimaire an II. Envoyé à la prison de la Force, il fut peu après appelé à témoigner à charge contre le duc Florent du Châtelet[6], et c’est alors qu’il établit de premiers contacts épistolaires avec les membres du « grand » Comité de sûreté générale, celui qui officia en s’appuyant sur la « loi des suspects » (17 septembre 1793). Il fut plusieurs fois convoqué et appelé à témoigner à charge, en diverses circonstances, et chaque fois reconduit en prison. De cette manière, il pensait pouvoir retarder son renvoi devant le Tribunal révolutionnaire.
Lui-même récemment sorti de prison à la suite d’une affaire de chantage exercé contre des suspects, mis à la disposition de Vadier, Amar et de Jagot, le citoyen Dossonville fut chargé, à la veille du procès des Hébertistes, de « découvrir » les « complices » du prétendu « complot de l’étranger ». « Découvrir » signifiait en l’occurrence localiser des preuve ou des témoins, et, au besoin, les inventer. Il s’agissait du moins de repérer et d’identifier dans les prisons des suspects déjà arrêtés afin de transmettre à la police politique et à l’accusateur public du Tribunal révolutionnaire des notes accusatrices les concernant. Ces « complices » de la conspiration prétendue étaient des personnes plus ou moins impliquées dans des entreprises contre-révolutionnaires ou des délits supposés d’émigration, pour des faits remontant à des mois voire des années avant leur arrestation, mais dont les dossiers étaient quasiment vides. Quant au « complot de l’étranger », Saint-Just lui avait donné une sorte de définition à la veille des deux grands procès politiques du 24 mars (procès de Hébert) et du 4 avril 1794 (procès de Danton), dans son célèbre rapport prononcé à la Convention, courant ventôse an II. Il avait désigné tous ceux qui avaient pactisé en secret, pour des motifs divers, avec les agents à Paris des puissances coalisées, c’est-à-dire essentiellement des hommes d’affaires (Jean-Jacques Debeaune, les frères Junius et Emmanuel Frey, etc.) et des banquiers (Perrégaux, Augustin Monneron, Jean Conrad de Kock, Laborde de Méréville, William Herries, Walter Boyd Junior, William Ker, etc).
Etaient particulièrement visés les principaux dirigeants de la Commune de Paris dont on pensait qu’ils rééditeraient sous peu un coup de force contre la Convention[n 2].
Par ses premiers renseignements, le ci-devant comte de Ferrières-Sauvebeuf, qui ne se faisait pas prier pour coopérer à contribué aux projets machiavéliques des membres du Comité de sûreté générale, projets qui allaient sous peu aboutir aux dénonciations de conspiration des prisons, assorties de listes de conspirateurs. Il a, ainsi qu’il le dit, dévoilé certaines informations d’ordre privé qui ont permis, avant la loi du 22 prairial an II, de donner une apparence de consistance aux accusations diligentées par l’accusateur public. Dans une lettre à Fouquier-Tinville, en date du 9 prairial an II, il s’expliquait ainsi sur ses plus récents exploits:
Au citoyen Fouquier Tinville, accusateur public du tribunal révolutionnaire à Paris (très pressante). Les renseignements que je t’ai donné, citoyen, soit au sujet de Du Châtelet, de sa femme et de la citoyenne Grammont dont je savais les menées, ont pu te prouver que mon seul désir était d’être utile à la République. J’ai appris que Mirepoix a été guillotiné hier, je me contente de te demander si tu as connaissance qu’on lui a trouvé 150 000 livres en or. Il les avait au moment de son arrestation, et il a pris une voye bien difficile à déconcerter pour s’assurer de cet argent et que je n’ignore pas. Quelques jours après mon arrestation, ce fut moi qui écrivis à Michel, encore administrateur de police, le seul conservé par le Comité de salut public, pour l’avertir que les femmes Du Chatelet et Grammont étaient allées chez Belhomme par le moyen d’un tiers qui entretenait correspondance avec elles, et la citoyenne Poix[n 3], pour soustraire Du Chatelet et elles mêmes au glaive de la loi.
Michel les fit réintégrer à la Petite Force ; et la dernière fois que je t’ai vu au tribunal où j’étais témoin dans l’affaire du portefeuille pillé par la femme Beaune Winter[n 4], je te demandai si tu avais des renseignements sur les femmes Du Châtelet[7] et Grammont. Tu me dis qu’elles n’étaient que suspectes. Me contentant de te rappeler mes notes, je ne t’en dis pas davantage et tu vois que je ne m’étais pas trompé.
Cette affaire a d’autres branches, relativement à une personne que tu connais bien, la Rochechouart, que tu as menacée de faire arrêter quand elle sollicitait pour (Reviers de) Mony guillotiné. Elle est nièce de la femme Du Châtelet, tu peux encore surveiller cette partie là. Au sujet de Mirepoix, il faut bien user d’adresse pour ravoir son or, parce que son homme d’affaires est attaché à une maison diplomatique d’une puissance amie de la France. Tu as également dans cette affaire un nommé Richard, homme d’affaires de la ci-devant baronne de Montboissier[n 5] qui est à trente lieues d’ici. J’ignore le nom de l’endroit mais c’est facile à savoir. Il avait toute la direction de l’argenterie qui, sans doute, n’a ni émigré ni été à la monnaie.
Tu as encore une citoyenne dans le cas de la déportation, rentrée après le décret et dont, à ce qu’on m’a dit, on a arrangé l’affaire et qui va être en possession des biens de sa tante qui sont immenses. La citoyenne Béthisy, cousine du prince de Lambesc, qui d’après son âge doit être déportée, et les biens de sa tante mis en séquestre. Ils s’élèvent à plus de trois millions. Comme je connais tous les ci-devant de la première volée, je sais à peu près leurs péchés honteux, autant que la mémoire pourra m’en souvenir, je t’en avertirai. Salut et fraternité. Ferrières-Sauvebeuf, à la maison d’arrêt de la Force, ce 9 prairial l’an 2e[8].
Puis à nouveau, les jours suivants, il s’adressa Au citoyen Fouquier-Tinville, accusateur public du Tribunal révolutionnaire, à Paris.
« Tu es la vraie sentinelle du peuple, Fouquier, et je t’ai indiqué plus d’une fois de vrais conspirateurs: ne croye pas qu’un seul motif d’obtenir ma liberté ne pût me porter à donner les indices du crime. Libre, je l’ai dévoilé, et au moment où j’ai perdu ma liberté, j’ai encore donné la trace des conspirateurs qui étaient à ma connaissance, comme je n’ai cessé d’en donner encore depuis que je suis en arrestation. J’écrivais au Comité de sûreté générale pour le prévenir d’un enlèvement qui devait se faire. Qu’on en compulse les dates, huit jours après, tu as fait condamner à mort la princesse Lubomirska et celui[n 6] qui devait la soustraire à ta vigilance était déjà détenu à la Force[n 7].
Je t’ai écrit il y a quelques jours une lettre après le jugement de Mirepoix. Je crois cette lettre de conséquence pour les intérêts de la République, tu peux te la rappeler. Fais moi conduire dans ton cabinet, ou envoye moi ton substitut Lindon, et je lui ferai des déclarations importantes. Salut et fraternité. Signé : Ferrières-Sauvebeuf, à la maison d’arrêt de la Force, ce 13 prairial l’an 2ème. »
Il fut, comme prévisible, pressenti avec un autre agent du même genre, un indicateur nommé Louis-Guillaume Armand[n 8], pour aider à la composition de la « fournée du 29 prairial » concoctée par Elie Lacoste, sous les directives de Barère de Vieuzac, Collot d'Herbois et Billaud-Varennes, et pour ce faire, il dut adresser des rapports quotidiens au Comité de sûreté générale. On l’appela enfin, avec quelques autres, à témoigner à charge au cours de ce procès des prétendus complices de Batz, de Cécile Renault et d’Henri Admirat. Il semble avoir particulièrement chargé les citoyens Comte et Ozanne, ses co-détenus à la Force, également les citoyens Prosper Soulès, Jean-Baptiste Marino, Dangé, et Froidure, anciens administrateurs de police issus de la Commune hébertiste.
Après la Terreur
Le 11 thermidor, il se vantait d’avoir rendu de grands services, se félicitait de l’exécution de Robespierre, et ayant écrit à Barère de Vieuzac qui, disait-il, lui « a rendu justice en pleine Convention », il demandait sa liberté.
Lorsqu’il sortit de prison, Ferrières-Sauvebeuf eut à rendre des comptes à ceux qui, comme Lecointre de Versailles, avaient connaissance de son rôle dans les prisons. il fut désigné dans une de ses dénonciations contre les anciens terroristes Barère, Collot, Billaud, Vadier et Amar : « Je les accuse d’avoir souffert que les mêmes témoins entretenus, nourris dans les prisons, et connus vulgairement sous le nom de « moutons », déposassent à charge contre les prévenus; et l’on distinguait, parmi ces témoins, Ferrières-sauvebeuf, ex-noble, et Leymerie, secrétaire d’Amar ».
Pour sa défense, le délateur argua que ses employeurs avaient eux-mêmes désigné les nouveaux administrateurs exagérés ou Hébertistes qui étaient à ses yeux les vrais coupables.
Il avait épousé en prison, « par contrainte », la jeune Marie-Bénigne-Geneviève Rémond de Montmort, fille mineure du marquis de ce nom, qu’il avait visitée à plusieurs reprises à la Petite Force et qui était enceinte. Il avait désormais un seul but, recouvrer des créances qu’il estimait revenir à sa femme, notamment deux effets au porteur provenant du banquier Duruey, guillotiné, s’élevant à 50 000 et 170 000 livres.
Il chercha à se faire employer au ministère des Affaires étrangères et fut envoyé en mission en Italie par Delacroix. Chacun ignorait alors ce qu’il avait fait durant la Terreur puisque la plupart de ses victimes avaient été exécutées.
Prévenu d’espionnage le 6 floréal an VII, il fut arrêté. Fouché l’aurait fait libérer pour l’embaucher et salarier comme indicateur de police. Par le frère de son épouse, il chercha à approcher Talleyrand pour obtenir une mission à l’étranger. Le ministre lui opposa, peut-on supposer, une fin de non recevoir car il ne fut pas employé.
Arrêté de 1804 à 1811, peut-être pour avoir pris part aux « conspirations anglaises », il fut détenu au fort de Joux dans le Jura. Libéré, il se retira dans ses terres à la fin de l’Empire. On prétend qu’il organisa un « sérail » au château de Montmort, mais il est certain qu’il mourut assassiné. On ignore les motifs de cet assassinat mais peut-être avait il rapport avec son rôle sous la Terreur.
Diplomate et aventurier
Il était le quatrième fils de François de Ferrières-Sauvebeuf, comte de Ferrières-Sauvebeuf, et de Marguerite de Chastaignac de la Guyonnie.
Ce cousin de Mirabeau allié à la haute noblesse[1], fut d’abord officier puis exerça, sous le ministre des Affaires étrangères Vergennes, le métier d’agent secret. Il voyagea notamment en Italie d’où il passa au Proche-Orient, principalement en Turquie puis à Lattaquié en Syrie et de là à Ispahan, en Perse (5 mai 1784), où il consigna ses observations sur des guerres meurtrières dont il fut le témoin.
Il prétendit après coup avoir été éveillé alors aux sentiments de la liberté: « J’appris, écrit-il plus tard, à connaître avec les Tartares, cette fierté, premier sentiment de l’homme libre, qui n’a d’autres chefs que ceux qu’il s’est choisi lui-même, et qui frémit au seul nom d’un maître inamovible ». Il aurait accompagné Agha-Méhémet dans ses expéditions guerrières, mais il chercha surtout, comme on le lui avait prescrit, « de détourner le shah de faire filer vers le Caucase les marchandises venant par caravanes d’Extrême-Orient pour les ramener à Constantinople selon l’ancien usage »[2]. Il revint par Bagdad, traversa l’Asie mineure et, arrivé à Constantinople, il se brouilla avec l’ambassadeur Choiseul-Gouffier. Puis il embarqua pour la France.
À Versailles, il intrigua contre Choiseul-Gouffier et convainquit le nouveau ministre Montmorin de décerner un blâme contre son ambassadeur.
À nouveau chargé de lettres ministérielles, il se mit en route pour Constantinople le 17 mai 1788 dans le but essentiel de régler des affaires privées. Il s’agissait d’une prise d’intérêt dans un trafic de ventes d’armes françaises à la Turquie. S’étant acquitté de sa mission officielle, il fut sèchement renvoyé par Marie-Gabriel-Florent-Auguste de Choiseul-Gouffier qui lui reprocha d’interférer dans la diplomatie franco-turque[3] -, il retourna en France par les Balkans, travesti en turc, mais fut arrêté non loin du front austro-turc, entre Nish et Belgrade. Soupçonné d’espionnage, il fut ramené enchaîné au camp du grand vizir, partageant la captivité de soldats et officiers hongrois, puis conduit avec eux à Constantinople où il fut détenu quelques semaines.
Ayant été libéré, il débarqua à Toulon à la mi-octobre 1788, et, sa réputation d’intrigant dangereux l’ayant précédé, il fut dès son arrivée l’objet d’une lettre de cachet et transféré au Lazaret puis au château d’If.
Relâché après quelques mois, il gagna Paris où il arriva le 20 mai 1789. En janvier 1790, il fit imprimer les récits de ses voyages dans lesquels il règle ses comptes avec Choiseul-Gouffier[4]. En 1791, le comte de Ferrières-Sauvebeuf fréquentait la société aristocratique, quoiqu’il s’en défendît par la suite. Il ne lui fut donc pas difficile, le moment venu, de donner à la police politique de la Terreur des indications sur tous ceux que, pour des raisons diverses, on voulait envoyer au Tribunal révolutionnaire. La Révolution fut surtout pour lui l’occasion de pêcher en eaux troubles : « Extérieurement, il affichait le patriotisme avec les patriotes, au point qu’il fallait être connaisseur pour ne pas s’y méprendre, et dans l’intérieur de sa maison, il était aristocrate. » Le comte Beugnot dit qu’il vivait dans un appartement de deux pièces en rez-de-chaussée, qu’il avait décoré avec un luxe oriental, fumant la pipe sur un divan avec, à ses côtés, des rossignols en cage[5].
Indicateur dans les prisons de la Terreur
C’était aussi un libertin dévoyé qui avait enlevé une demoiselle Théophile Heuvrard, âgée de quinze ans, qu’il séquestrait dans une « maison particulière »[n 1]. Le comité de la section du Nord avait fait libérer cette jeune fille qui retrouva ses parents. Mal noté par le comité de surveillance de sa section, celui-ci ordonna son arrestation qui eut lieu le 8 frimaire an II. Envoyé à la prison de la Force, il fut peu après appelé à témoigner à charge contre le duc Florent du Châtelet[6], et c’est alors qu’il établit de premiers contacts épistolaires avec les membres du « grand » Comité de sûreté générale, celui qui officia en s’appuyant sur la « loi des suspects » (17 septembre 1793). Il fut plusieurs fois convoqué et appelé à témoigner à charge, en diverses circonstances, et chaque fois reconduit en prison. De cette manière, il pensait pouvoir retarder son renvoi devant le Tribunal révolutionnaire.
Lui-même récemment sorti de prison à la suite d’une affaire de chantage exercé contre des suspects, mis à la disposition de Vadier, Amar et de Jagot, le citoyen Dossonville fut chargé, à la veille du procès des Hébertistes, de « découvrir » les « complices » du prétendu « complot de l’étranger ». « Découvrir » signifiait en l’occurrence localiser des preuve ou des témoins, et, au besoin, les inventer. Il s’agissait du moins de repérer et d’identifier dans les prisons des suspects déjà arrêtés afin de transmettre à la police politique et à l’accusateur public du Tribunal révolutionnaire des notes accusatrices les concernant. Ces « complices » de la conspiration prétendue étaient des personnes plus ou moins impliquées dans des entreprises contre-révolutionnaires ou des délits supposés d’émigration, pour des faits remontant à des mois voire des années avant leur arrestation, mais dont les dossiers étaient quasiment vides. Quant au « complot de l’étranger », Saint-Just lui avait donné une sorte de définition à la veille des deux grands procès politiques du 24 mars (procès de Hébert) et du 4 avril 1794 (procès de Danton), dans son célèbre rapport prononcé à la Convention, courant ventôse an II. Il avait désigné tous ceux qui avaient pactisé en secret, pour des motifs divers, avec les agents à Paris des puissances coalisées, c’est-à-dire essentiellement des hommes d’affaires (Jean-Jacques Debeaune, les frères Junius et Emmanuel Frey, etc.) et des banquiers (Perrégaux, Augustin Monneron, Jean Conrad de Kock, Laborde de Méréville, William Herries, Walter Boyd Junior, William Ker, etc).
Etaient particulièrement visés les principaux dirigeants de la Commune de Paris dont on pensait qu’ils rééditeraient sous peu un coup de force contre la Convention[n 2].
Par ses premiers renseignements, le ci-devant comte de Ferrières-Sauvebeuf, qui ne se faisait pas prier pour coopérer à contribué aux projets machiavéliques des membres du Comité de sûreté générale, projets qui allaient sous peu aboutir aux dénonciations de conspiration des prisons, assorties de listes de conspirateurs. Il a, ainsi qu’il le dit, dévoilé certaines informations d’ordre privé qui ont permis, avant la loi du 22 prairial an II, de donner une apparence de consistance aux accusations diligentées par l’accusateur public. Dans une lettre à Fouquier-Tinville, en date du 9 prairial an II, il s’expliquait ainsi sur ses plus récents exploits:
Au citoyen Fouquier Tinville, accusateur public du tribunal révolutionnaire à Paris (très pressante). Les renseignements que je t’ai donné, citoyen, soit au sujet de Du Châtelet, de sa femme et de la citoyenne Grammont dont je savais les menées, ont pu te prouver que mon seul désir était d’être utile à la République. J’ai appris que Mirepoix a été guillotiné hier, je me contente de te demander si tu as connaissance qu’on lui a trouvé 150 000 livres en or. Il les avait au moment de son arrestation, et il a pris une voye bien difficile à déconcerter pour s’assurer de cet argent et que je n’ignore pas. Quelques jours après mon arrestation, ce fut moi qui écrivis à Michel, encore administrateur de police, le seul conservé par le Comité de salut public, pour l’avertir que les femmes Du Chatelet et Grammont étaient allées chez Belhomme par le moyen d’un tiers qui entretenait correspondance avec elles, et la citoyenne Poix[n 3], pour soustraire Du Chatelet et elles mêmes au glaive de la loi.
Michel les fit réintégrer à la Petite Force ; et la dernière fois que je t’ai vu au tribunal où j’étais témoin dans l’affaire du portefeuille pillé par la femme Beaune Winter[n 4], je te demandai si tu avais des renseignements sur les femmes Du Châtelet[7] et Grammont. Tu me dis qu’elles n’étaient que suspectes. Me contentant de te rappeler mes notes, je ne t’en dis pas davantage et tu vois que je ne m’étais pas trompé.
Cette affaire a d’autres branches, relativement à une personne que tu connais bien, la Rochechouart, que tu as menacée de faire arrêter quand elle sollicitait pour (Reviers de) Mony guillotiné. Elle est nièce de la femme Du Châtelet, tu peux encore surveiller cette partie là. Au sujet de Mirepoix, il faut bien user d’adresse pour ravoir son or, parce que son homme d’affaires est attaché à une maison diplomatique d’une puissance amie de la France. Tu as également dans cette affaire un nommé Richard, homme d’affaires de la ci-devant baronne de Montboissier[n 5] qui est à trente lieues d’ici. J’ignore le nom de l’endroit mais c’est facile à savoir. Il avait toute la direction de l’argenterie qui, sans doute, n’a ni émigré ni été à la monnaie.
Tu as encore une citoyenne dans le cas de la déportation, rentrée après le décret et dont, à ce qu’on m’a dit, on a arrangé l’affaire et qui va être en possession des biens de sa tante qui sont immenses. La citoyenne Béthisy, cousine du prince de Lambesc, qui d’après son âge doit être déportée, et les biens de sa tante mis en séquestre. Ils s’élèvent à plus de trois millions. Comme je connais tous les ci-devant de la première volée, je sais à peu près leurs péchés honteux, autant que la mémoire pourra m’en souvenir, je t’en avertirai. Salut et fraternité. Ferrières-Sauvebeuf, à la maison d’arrêt de la Force, ce 9 prairial l’an 2e[8].
Puis à nouveau, les jours suivants, il s’adressa Au citoyen Fouquier-Tinville, accusateur public du Tribunal révolutionnaire, à Paris.
« Tu es la vraie sentinelle du peuple, Fouquier, et je t’ai indiqué plus d’une fois de vrais conspirateurs: ne croye pas qu’un seul motif d’obtenir ma liberté ne pût me porter à donner les indices du crime. Libre, je l’ai dévoilé, et au moment où j’ai perdu ma liberté, j’ai encore donné la trace des conspirateurs qui étaient à ma connaissance, comme je n’ai cessé d’en donner encore depuis que je suis en arrestation. J’écrivais au Comité de sûreté générale pour le prévenir d’un enlèvement qui devait se faire. Qu’on en compulse les dates, huit jours après, tu as fait condamner à mort la princesse Lubomirska et celui[n 6] qui devait la soustraire à ta vigilance était déjà détenu à la Force[n 7].
Je t’ai écrit il y a quelques jours une lettre après le jugement de Mirepoix. Je crois cette lettre de conséquence pour les intérêts de la République, tu peux te la rappeler. Fais moi conduire dans ton cabinet, ou envoye moi ton substitut Lindon, et je lui ferai des déclarations importantes. Salut et fraternité. Signé : Ferrières-Sauvebeuf, à la maison d’arrêt de la Force, ce 13 prairial l’an 2ème. »
Il fut, comme prévisible, pressenti avec un autre agent du même genre, un indicateur nommé Louis-Guillaume Armand[n 8], pour aider à la composition de la « fournée du 29 prairial » concoctée par Elie Lacoste, sous les directives de Barère de Vieuzac, Collot d'Herbois et Billaud-Varennes, et pour ce faire, il dut adresser des rapports quotidiens au Comité de sûreté générale. On l’appela enfin, avec quelques autres, à témoigner à charge au cours de ce procès des prétendus complices de Batz, de Cécile Renault et d’Henri Admirat. Il semble avoir particulièrement chargé les citoyens Comte et Ozanne, ses co-détenus à la Force, également les citoyens Prosper Soulès, Jean-Baptiste Marino, Dangé, et Froidure, anciens administrateurs de police issus de la Commune hébertiste.
Après la Terreur
Le 11 thermidor, il se vantait d’avoir rendu de grands services, se félicitait de l’exécution de Robespierre, et ayant écrit à Barère de Vieuzac qui, disait-il, lui « a rendu justice en pleine Convention », il demandait sa liberté.
Lorsqu’il sortit de prison, Ferrières-Sauvebeuf eut à rendre des comptes à ceux qui, comme Lecointre de Versailles, avaient connaissance de son rôle dans les prisons. il fut désigné dans une de ses dénonciations contre les anciens terroristes Barère, Collot, Billaud, Vadier et Amar : « Je les accuse d’avoir souffert que les mêmes témoins entretenus, nourris dans les prisons, et connus vulgairement sous le nom de « moutons », déposassent à charge contre les prévenus; et l’on distinguait, parmi ces témoins, Ferrières-sauvebeuf, ex-noble, et Leymerie, secrétaire d’Amar ».
Pour sa défense, le délateur argua que ses employeurs avaient eux-mêmes désigné les nouveaux administrateurs exagérés ou Hébertistes qui étaient à ses yeux les vrais coupables.
Il avait épousé en prison, « par contrainte », la jeune Marie-Bénigne-Geneviève Rémond de Montmort, fille mineure du marquis de ce nom, qu’il avait visitée à plusieurs reprises à la Petite Force et qui était enceinte. Il avait désormais un seul but, recouvrer des créances qu’il estimait revenir à sa femme, notamment deux effets au porteur provenant du banquier Duruey, guillotiné, s’élevant à 50 000 et 170 000 livres.
Il chercha à se faire employer au ministère des Affaires étrangères et fut envoyé en mission en Italie par Delacroix. Chacun ignorait alors ce qu’il avait fait durant la Terreur puisque la plupart de ses victimes avaient été exécutées.
Prévenu d’espionnage le 6 floréal an VII, il fut arrêté. Fouché l’aurait fait libérer pour l’embaucher et salarier comme indicateur de police. Par le frère de son épouse, il chercha à approcher Talleyrand pour obtenir une mission à l’étranger. Le ministre lui opposa, peut-on supposer, une fin de non recevoir car il ne fut pas employé.
Arrêté de 1804 à 1811, peut-être pour avoir pris part aux « conspirations anglaises », il fut détenu au fort de Joux dans le Jura. Libéré, il se retira dans ses terres à la fin de l’Empire. On prétend qu’il organisa un « sérail » au château de Montmort, mais il est certain qu’il mourut assassiné. On ignore les motifs de cet assassinat mais peut-être avait il rapport avec son rôle sous la Terreur.
_________________
Par définition un historien se doit d'éclairer certaines zones d'ombres du passé. Ayant de droit accès à toutes les archives ouvertes, il s'appuie sur ses recherches pour délivrer ses résultats, quitte à briser quelques clichés.
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